Parce qu’il n’y a pas que Neymar, Kylian Mbappé, l’OM et les tweets de Jean-Michel Aulas, Le Monde vous présente tous les jours d’ici à la reprise du championnat (vendredi 20 h 45 avec Marseille-Toulouse) les quatre autres acteurs à suivre lors de cette nouvelle saison de Ligue 1.

Olivier Létang, le président du Stade rennais, le 9 novembre 2017. / DAMIEN MEYER / AFP

Les résultats sont là. Nommé président en novembre 2017, Olivier Létang a déjà amené deux trophées au Stade rennais. Ou plutôt ramené. Entre différents prêts et déménagements, le club breton avait fini par égarer ses deux précieuses Coupes de France remportées en 1965 et 1971. Le 21 janvier, Létang lance un avis de recherche lors de l’assemblée générale des anciens joueurs du club. Deux mois plus tard, les disparues refont surface. La coupe de 1965 prenait la poussière dans les locaux de la Ligue de Bretagne, quand celle de 1971 avait été oubliée dans le recoin d’une salle du Roazhon Park.

Mais Olivier Létang (45 ans) n’a pas été choisi par la famille Pinault (propriétaire du Stade rennais depuis 1998) pour ses talents de chercheur de reliques. Quand il succède au démissionnaire René Ruello, l’ancien directeur sportif adjoint du Paris-Saint-Germain (2012-2017) débarque au chevet d’un club mal en point, englué en bas de classement. Sans tarder, il licencie dans la semaine un Christian Gourcuff qui avait lié son sort à celui de Ruello et installe Sabri Lamouchi comme entraîneur. Le choix est osé. L’ancien international français n’a jamais dirigé une équipe de Ligue 1 et son CV indique une expérience mitigée comme sélectionneur de la Côte d’Ivoire et une autre plus anecdotique avec le club d’El-Jaish au Qatar.

« Caractère nord de la Loire pas très chaleureux »

Mais le charme opère. Les Bretons terminent cinquièmes après une belle seconde partie de saison et décrochent un billet direct pour la Ligue Europa. Inespéré : « J’entendais surtout parler de peur de la relégation à mon arrivée », rappelle le nouveau président. Fort de cet état de grâce, Létang lance les grandes manœuvres pendant l’été et entend structurer le club à sa façon. L’organisation doit être « très professionnelle », prévient-il dans L’Equipe. Nouvelle cellule de recrutement, création d’un département d’analyse des matchs, réorganisation des services marketing et médical : « C’est un ouragan qui est arrivé dans le club parce qu’on est allés très vite dans beaucoup de domaines », admet le dirigeant.

Le Stade rennais est un club particulier. Il est détenu par l’une des familles les plus riches de France, mais fonctionne à l’économie. Quand il le sauve de la faillite en 1998, c’est plutôt la fibre bretonne qui parle chez François Pinault que l’amour du ballon rond. Dans un premier temps, le milliardaire a le chéquier généreux et dépense pour 50 millions d’euros à l’été 2000. Mais les Lucas, Turdo ou Fabiano seront des investissements beaucoup moins profitables à l’amateur d’art que les créations d’un Damien Hirst. Echaudée, la famille Pinault réduit la voilure. Rennes navigue le plus souvent entre la 5e et la 10e place au fil des saisons, perd deux finales de Coupe de France contre Guingamp (2009 et 2014) ou laisse échapper une qualification pour la Ligue des champions à la dernière seconde en 2007.

A force, les esprits chagrins suspectent le stade de la Route-de-Lorient (rebaptisé Roazhon Park en 2015) d’avoir été construit sur le seul cimetière indien d’Ille-et-Vilaine. Mais Olivier Létang serait plutôt du genre rationnel. Celui qui assume un « caractère nord de la Loire pas très chaleureux » (« hautain », suggèrent plutôt ses détracteurs) présente un profil rare. Des vingt présidents de Ligue 1, il est le seul à pouvoir se targuer d’une carrière de joueur professionnel en Ligue 2 et National du côté du Mans, sa ville natale, puis de Reims entre 1997 et 2004.

En Champagne, il mène alors une double activité : milieu de terrain et… directeur administratif et financier. Le Sarthois gère les contrats d’embauche et de rupture de ses coéquipiers, de ses entraîneurs. « Il opérait un dédoublement de personnalité pour ne pas mélanger les métiers », expliquait au JDD son président de l’époque, Christophe Chenut.

Apprécié par les agents

Mais si le joueur avait conscience de ses limites, le futur dirigeant se montre plus ambitieux, intègre l’ESSEC après sa carrière et y décroche un MBA. Au PSG, cette ambition est souvent contrariée. Inconnu à son arrivée en 2012, il participe aux côtés du directeur sportif, Leonardo, aux premiers gros transferts du club passé sous pavillon et financement qataris. Et quand le Brésilien démissionne en 2013, Létang récupère une partie de ses compétences mais pas le titre qui va avec.

« Directeur adjoint de personne », comme certains le moquent en coulisses, il est pourtant à l’origine de la venue de David Luiz, Angel Di Maria, Thomas Meunier ou de la prolongation de contrat d’Adrien Rabiot. Il quittera le PSG en juin 2017 après une dernière saison où il a dû cohabiter avec un supérieur de papier, l’ancien attaquant néerlandais Patrick Kluivert, imposé par Doha.

En cinq ans, l’ancien modeste milieu de terrain a développé son réseau. Des agents aussi influents que Jean-Pierre Bernès ou Mino Raiola l’apprécient et vantent ses compétences. Létang passera même de l’autre côté de la barrière. Entre juin et octobre 2017, il prend la tête de la société anglaise Sports Invest UK qui gère les intérêts de 140 footballeurs, dont les Brésiliens Marquinhos et Daviz Luiz, qu’il a connus au PSG. La place est bonne, la vie à Londres agréable, mais le Français n’hésite pas à tout plaquer quand se présente l’opportunité rennaise.

L’éternel homme de l’ombre aurait-il enfin envie de prendre la lumière ? Pour Christophe Chenut, pas de doute, son ancien employé « coche toutes les cases pour être un président de club ». Il lui reste à prolonger cette saison sa lune de miel avec le Stade rennais et permettre aux Rouge et Noir de venir titiller le top 4 de la Ligue 1 (Paris, Monaco, Lyon, Marseille), malgré un budget inférieur. « Les gens se disent qu’il se passe quelque chose à Rennes », assure Olivier Létang. Et pas seulement sur les étagères de la vieille salle des trophées.