Le président de la Fédération japonaise de boxe amateur, Akira Yamane, lors d’une conférence de presse, le 7 août, à Osaka. / JIJI PRESS / AFP

Sale temps pour les sports de combat au Japon. L’année 2017 avait déjà été ternie par une série de scandales dans le monde du sumo. Personne n’ignore l’intérêt du peuple nippon pour cette discipline traditionnelle de lutte, considérée comme sport national, ainsi que pour les arts martiaux. On connaît moins l’engouement du Japon pour la boxe, pourtant l’une des nations les plus représentées sur la scène mondiale (ils seraient plus de 1 300 boxeurs professionnels). Mais la voilà à son tour empêtrée dans les polémiques.

Le feuilleton rocambolesque tient cet été le pays en haleine et a connu, mercredi 8 août, un nouveau rebondissement, avec la démission du président de la Fédération japonaise de boxe amateur (JABF), Akira Yamane. Lunettes fumées, costumes satinés et panama, M. Yamane traîne un look de yakuza à l’ancienne, de ceux qui peuplent les films de série B des années 1960-1970. Le soin accordé à sa mise l’a même amené à choisir la bande originale du Parrain en guise de sonnerie de téléphone.

Rolex et détournement de fonds

Le truculent président de la Fédération japonaise de boxe amateur était sous pression depuis le 27 juillet. Ce jour-là, 333 des membres de la JABF ont adressé un courrier au Comité olympique japonais (JOC) ou encore à l’Agence japonaise des sports (JSA). La missive détaillait douze griefs ciblant Akira Yamane et ses affidés au sein du conseil d’administration de la JABF, qui envisageraient également de démissionner.

Ensemble, ils auraient fait pression sur les arbitres pour « arranger » des combats. M. Yamane se serait également arrogé l’exclusivité de la vente de gants pour les compétitions organisées par la fédération de boxe. Le produit de cette vente finissait sur un compte bancaire au nom de sa petite-fille. Il est aussi accusé d’avoir détourné l’argent de certaines subventions. Et puis Akira Yamane menait grand train, descendant dans des hôtels à plus de 300 000 yens la nuit (environ 2 400 euros), exigeant de se faire servir du wagyu (bœuf japonais, un mets de luxe) et portant montre Rolex et sac Vuitton.

Lunettes fumées, costumes satinés et panama, M. Yamane traîne un look de yakuza à l’ancienne, de ceux qui peuplent les films de série B des années 1960-1970

Mais ce n’est pas tout. Il n’hésitait pas non plus, semble-t-il, à abuser du népotisme. Il aurait manœuvré pour que son fils – qui n’avait aucune expérience du noble art – se retrouve aux côtés de la star de la boxe nippone, Ryota Murata, aux Jeux de Londres, en 2012. La plupart des photos prises par la fédération japonaise à cette occasion montrent le fils aimé au premier plan, Ryota Murata, pourtant médaillé d’or (en 75 kg), n’apparaissant qu’au second.

A l’époque, le champion olympique, aujourd’hui champion du monde WBA, ne l’avait pas digéré, déclarant sur Facebook : « Il est temps que les vieux au comportement douteux dégagent sans faire de bruit. » Allusion au fait que M. Yamane aurait côtoyé le Morita Gumi, un gang basé à Osaka (Ouest) lié au puissant Yamaguchi Gumi, et dissout en 2007 au moment de la retraite de son boss, Masao Morita (81 ans aujourd’hui). Selon M. Morita, M. Yamane et lui se connaissaient depuis leurs plus tendres années et leur amitié aurait duré plus de cinquante ans.

La Fédération internationale, elle aussi gangrenée

Dès les premières révélations du groupe des 333, le Comité olympique japonais et l’Agence japonaise des sports – qui interdit toute interaction avec les gangs – ont appelé la JABF à créer une commission indépendante chargée d’enquêter sur toutes les allégations, que M. Yamane rejette.

Malgré la démission de M. Yamane, Yoshio Tsuruki, un ancien élu du conseil d’administration de la JABF à l’initiative de la missive explosive, reste méfiant. « Sa démission n’est pas claire. Est-ce qu’il quitte seulement son poste de président ? Est-ce qu’il renonce aussi à être membre du conseil d’administration ?, s’interroge-t-il. Notre objectif est de réformer l’organisation dans son ensemble. Ça n’a aucun sens si Akira Yamane reste au sommet. »

« Je veux que ces problèmes soient résolus immédiatement. Le Japon doit montrer que la boxe est saine avant Tokyo 2020 », a pour sa part réagi le champion olympique Ryota Murata. D’autant que la fédération japonaise n’est pas la seule à être éclaboussée. L’Association internationale de boxe amateur (AIBA), qui chapeaute la JABF, serait elle aussi gangrenée par la corruption – 36 juges et arbitres ayant exercé lors des JO de Rio en 2016 ont été suspendus. Or, son nouveau président, l’Ouzbek Gafur Rakhimov, est précédé par une longue réputation, décrit par le département américain du Trésor comme l’un des « principaux criminels » de son pays.

La Fédération internationale va pourtant devoir faire vite pour redorer son image : le Comité international olympique a tout simplement menacé de retirer la boxe des Jeux de Tokyo si le ménage n’était pas fait au sein de l’instance.