Oleg Sentsov, le 21 juillet 2015 à Rostov-on-Don. / SERGEI VENYAVSKY / AFP

Détenu en Russie depuis 2015 et en grève de la faim depuis près de trois mois, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov est aujourd’hui en danger de mort. Sa situation a été au cœur d’un entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, vendredi 10 août.

Le président français a fait « plusieurs propositions » à son homologue russe afin de « trouver de façon urgente une solution humanitaire », a annoncé l’Elysée dans un communiqué. M. Poutine s’est engagé à répondre à ces propositions et « à diffuser rapidement des éléments sur son état de santé ».

M. Sentsov, opposant à l’annexion de la Crimée par la Russie, a été condamné en août 2015 à vingt ans de prison pour terrorisme et trafic d’armes à l’issue d’un procès qualifié de stalinien par Amnesty International. Il est accusé d’avoir, avec un complice, envoyé deux cocktails Molotov contre les locaux d’une organisation criméenne prorusse. Depuis la colonie pénitentiaire de Labytnangui, dans la péninsule de Yamal, au nord de la Sibérie, où il est incarcéré, il a commencé une grève de la faim le 14 mai pour exiger la libération de tous les « prisonniers politiques » ukrainiens détenus en Russie.

Perte de 30 kg

S’il ne mène pas une grève de la faim totale – il boit 3,5 litres d’eau par jour et a accepté, il y a deux semaines, de prendre deux à trois cuillères quotidiennes de substituts alimentaires –, il a perdu 30 kg depuis le début de son action. Il souffre également de problèmes cardiaques, présente un très bas niveau d’hémoglobine dans le sang et son rythme cardiaque est de 40 pulsations par minute. L’administration russe continue pourtant d’affirmer que le prisonnier est dans un état satisfaisant.

Lire l’éditorial du « Monde » : Urgence pour le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov

M. Macron a déjà plaidé plusieurs fois en faveur d’Oleg Sentsov auprès de Vladimir Poutine. Il lui en avait parlé en mai lors de leur rencontre à Saint-Pétersbourg, puis lui avait adressé un courrier pour « lui faire part de sa vive préoccupation sur l’état de santé du cinéaste et lui demander de réagir rapidement ». Le chef d’Etat français lui en avait reparlé lorsqu’il l’avait rencontré au Kremlin le 15 juillet, avant la finale du Mondial 2018. Le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, avait estimé le 10 juillet que « les droits élémentaires » de la défense d’Oleg Sentsov n’avaient « manifestement pas été respectés ».

« Nous espérions un geste à la faveur du tournoi », a expliqué au Monde François Croquette, ambassadeur de France pour les droits de l’homme :

« Mais l’on se heurte à un mur : nos interlocuteurs alternent entre les fins de non-recevoir, le silence complet et des mensonges. La médiatrice russe nous avait par exemple assuré, il y a quelques semaines, que Sentsov avait pris 2 kg en prison. C’est un peu incompréhensible pour nous. La Russie dépense beaucoup d’énergie et d’argent pour son image, et là elle semble prête à le laisser mourir. Nos demandes sont désormais seulement d’ordre humanitaire, à commencer par l’accès d’un médecin indépendant. Mais l’on commence à craindre qu’il soit trop tard. »