Des passants devant la Banque d’Angleterre, à Londres, le 1er août. / PETER NICHOLLS / REUTERS

L’économie britannique peut remercier la météo. Après une croissance de seulement 0,2 % au premier trimestre, à cause d’un épisode neigeux très marqué, celle-ci a rebondi, d’après les données publiées vendredi 10 août, à 0,4 % au deuxième trimestre, grâce à l’ensoleillement tout aussi marqué de juin. Ces caprices du ciel ne changent cependant pas grand-chose à la réalité sous-jacente : « L’activité demeure en dessous de sa tendance de long terme », notent les analystes de Barclays. Au total, la croissance du premier semestre est la plus faible depuis 2012. Sur un an, elle atteint péniblement 1,3 %.

Depuis dix-huit mois, l’économie britannique a subi un sérieux coup de frein, lié très largement au Brexit. Pas d’effondrement, ni de récession, et le marché de l’emploi demeure toujours aussi vigoureux, avec un chômage de seulement 4,2 %. Mais le rythme de la croissance est passé de plus de 2 % au moment de référendum de juin 2016 à presque moitié moins aujourd’hui.

A ce ralentissement s’ajoutent depuis quelques semaines les risques d’un Brexit sans accord, qui sont « inconfortablement élevés », selon les mots de Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre. La première ministre Theresa May a présenté début juillet une proposition pour les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE). Côté britannique, cela a provoqué la démission de plusieurs ministres clés. Côté européen, la réaction a été très réservée.

Plongeon de la livre sterling

A seulement sept mois de l’entrée en vigueur du Brexit, le 30 mars 2019, une telle impasse a fait de nouveau plonger la livre sterling. Véritable baromètre des négociations entre Londres et Bruxelles, la monnaie britannique est à son niveau le plus bas depuis un an face au dollar, à 1,27. Face à l’euro, elle retrouve aussi un seuil bas, autour de 1,11.

Pour l’instant, le gouvernement la laisse fluctuer, ne commentant jamais ces yoyos. Simon Derrick, spécialiste du marché des devises à la banque américaine BNY Mellon, craint cependant que la question ne finisse par devenir politique, particulièrement pendant un automne qui s’annonce explosif : l’objectif officiel est de trouver un accord sur le Brexit au sommet européen d’octobre, ou, dans le pire des cas, à celui de décembre.

Sur le fond, les raisons du ralentissement économique britannique venant du Brexit sont désormais bien documentées. D’abord, la chute de la livre sterling a mécaniquement renchéri les importations, provoquant une vague d’inflation, qui a réduit d’autant le pouvoir d’achat des ménages. Ce phénomène est en train de se résorber, le choc sur la devise étant désormais ancien : en juin, l’inflation n’était plus que de 2,4 %, après un pic autour de 3 % au début de l’année. Reste que la consommation des ménages était toujours médiocre au deuxième trimestre, en hausse de 0,3 %. Le beau temps, le mariage du prince Harry et la Coupe du monde de football n’y ont rien pu.

Rebond « peu convaincant »

Ensuite, les incertitudes très fortes autour du Brexit ont incité les grands groupes à repousser leurs principaux investissements. Difficile de développer une usine si on ne connaît pas les futures conditions d’accès à son plus gros marché d’exportation. Et si les investissements des entreprises ont, globalement, augmenté de 0,5 % au deuxième trimestre, c’était après une chute de 0,2 % au premier trimestre.

Quant aux exportateurs, la théorie économique voudrait que la baisse de la livre sterling leur ait profité. Ce n’est pour l’instant guère le cas. Une chute des exportations dans les secteurs de l’automobile et de l’aviation a même creusé le déficit de la balance commerciale au deuxième trimestre. De ce côté, l’avenir proche ne s’annonce pas beaucoup plus reluisant. « Le cycle économique mondial a ralenti et les tensions commerciales augmentent », rappelle Elizabeth Martins, économiste à HSBC, faisant référence à la guerre commerciale ouverte par le président américain Donald Trump. Elle confie donc son « inquiétude » pour la croissance britannique, jugeant le rebond du deuxième trimestre « peu convaincant ».

George Buckley, économiste à Nomura, confirme ce verdict. « On peut s’attendre à ce que les incertitudes pèsent plus lourdement sur l’économie dans les mois qui viennent avec des dates butoirs très importantes sur les négociations du Brexit. » L’économie britannique était arrivée au référendum en relative bonne santé et a des réserves. Mais sa trajectoire, sous la tendance de long terme, devrait durer.

Un PIB désormais mensuel

Depuis le mois de juillet, le Royaume-Uni présente les statistiques de son produit intérieur brut (PIB) tous les mois, au lieu de la présentation trimestrielle traditionnelle. Il est le deuxième pays après le Canada à le faire. « Cela apporte une estimation de meilleure qualité et plus rapide de l’évolution de notre économie, permettant aux décideurs (Banque d’Angleterre, gouvernement…) d’avoir d’importantes informations pour prendre leurs décisions », explique James Scruton, de l’Office of National Statistics (ONS). Les statistiques sont publiées une quarantaine de jours après la fin du mois mesuré. Ainsi, les chiffres de vendredi 10 août indiquent que la croissance, en juin, était de 0,1 %, en net ralentissement par rapport à mai, à 0,3 %.