Une plage polluée en République Dominicaine, 19 juillet 2018. / RICARDO ROJAS / REUTERS

Jusqu’à présent, poser sa serviette sur une plage impliquait d’éviter les autres groupes de vacanciers ; désormais, il faut aussi, de plus en plus souvent, slalomer entre les sacs, bouteilles et autres mégots délaissés sur le sable chaud. De nombreuses destinations touristiques pâtissent de cette pollution, comme Bali, défigurée par un amoncellement de détritus échoués dans ses mangroves et sur son littoral. La biodiversité marine et son environnement sont évidemment premières victimes de ce fléau.

« Si on ne mesure pas exactement comment la pollution qui touche les plages a évolué ces dernières années, on sait de façon sûre que la production de plastique a drastiquement augmenté », déplore l’océanographe Erik van Sebille, de l’université d’Utrecht, aux Pays-Bas. Pour lui, s’il faut « combattre cette pollution à la source » en réparant « le système défaillant de tri des déchets mondial », il n’y a, c’est certain, « rien de plus efficace que d’aller ramasser les ordures qui polluent les plages ».

Le sentiment gratifiant de se sentir utile

Cristina Barreau, coordinatrice de l’association Surfrider, ne dit pas autre chose :

« Il est crucial de lutter contre ces dépôts de déchets qui se retrouvent dans les océans, poumons de la planète sans lesquels l’humain ne peut pas vivre. Il faut éduquer en amont et organiser des collectes sur les côtes pour éviter qu’elles se transforment en déchetteries. »

Selon Surfrider, 80 % des déchets sur les rivages sont composés de plastique.

Bonne nouvelle : ramasser les détritus abandonnés sur les bords de mer aurait, pour la scientifique britannique Sabine Pahl, des effets directs sur notre bien-être. Membre du collectif de recherche International Marine Litter Unit, cette chercheuse en psychologie a mené de concert avec son homologue Kelly Wyles et le biologiste marin Richard Thompson une étude, publiée en 2016 sur le sujet.

« La psychologie d’un individu est directement liée à l’état de son environnement »

Conclusion : nettoyer une plage peut avoir un effet bénéfique sur le cerveau humain. « C’est saisissant de constater que la psychologie d’un individu est directement liée à l’état de son environnement », s’exclame la professeure de l’université de Plymouth :

« Nos témoins ont apprécié le sentiment gratifiant de faire quelque chose d’utile sans contrepartie, le plaisir simple de se balader en bord de mer et de faire de l’exercice. »

Les plus férus de sport cèdent aussi à une nouvelle activité suédoise qui commence à gagner le reste de l’Europe et les Etats-Unis : le « plogging », contraction de « plocka upp » (« ramasser » en suédois) et « jogging » qui consiste à ramasser les déchets pendant sa course à pied. Il ne fait aucun doute, pour Sabine Pahl, qu’entreprendre de nettoyer le littoral est « tout simplement hédonique ; ce bénévolat est un cycle vertueux pour l’humain et son environnement ».

Des initiatives citoyennes qui se multiplient

« Parfois, il faut pourtant une contrepartie pour éveiller la conscience des personnes les plus sceptiques », nuance Cyril Rheims, cofondateur de la bien nommée société Waste is More (littéralement « Plus qu’un déchet ») :

« La colonne vertébrale de notre entreprise est l’idée de revaloriser le déchet en lui donnant une deuxième vie de type artistique ou bien en lui trouvant une valeur marchande. »

Waste is More a lancé cet été l’initiative « Tririder » dans la ville balnéaire de Carnon (Hérault) : une petite jeep arpente le bord de mer, chacun peut la héler pour des trajets d’environ un kilomètre à la condition de ramasser quelques déchets. Cyril Rheims se réjouit du succès qu’a rencontré son initiative.

« Proposer un service contre un geste écocitoyen, ça marche tout en étant ludique : en un mois, on a récolté 37 poubelles de 30 litres et on a fait 1 342 kilomètres. »
Un mégot pollue à lui seul jusqu’à 500 litres d’eau

Carina Barreau de Surfrider constate que « de manière générale, la prise de conscience citoyenne est croissante, les initiatives se multiplient. » En 2012, la Ligue contre le cancer a lancé les « Espaces sans tabac ». Aujourd’hui, près de cinquante plages françaises, en Corse, à Saint-Malo ou encore à Nice, ont banni la cigarette de leur sol, puisque non content de contenir toute une collection d’agents cancérigènes, un mégot pollue à lui seul jusqu’à 500 litres d’eau. Et il figure parmi les déchets les plus retrouvés sur le littoral.

La paille est une autre habituée du top dix des déchets les plus retrouvés sur les plages du globe. L’association Bas les pailles, fer de lance dans la lutte contre son usage unique, prend régulièrement part aux « initiatives océanes » de Surfrider, comme les collectes sur le sable de La Ciotat (Bouches-du-Rhône). Et Johanna Niedzialkowski, cofondatrice de Bas les pailles, de conclure que « ces collectes, si elles sont indispensables, permettent aussi d’éduquer les citoyens de façon divertissante ».