Manifestation à Bucarest, samedi 11 août. / Vadim Ghirda / AP

A bas le gouvernement ! » et « Justice, pas corruption ! ». Quelque 30 000 Roumains sont de nouveau descendus dans la rue, samedi 11 août à Bucarest, demandant la démission du gouvernement de gauche et exprimant leur colère après les « excès » des forces de l’ordre ayant entaché la manifestation de la veille. Les manifestants ont défilé samedi sous le regard des membres des forces de l’ordre, beaucoup moins nombreux que la veille.

Des milliers de personnes ont également manifesté dans plusieurs autres grandes villes, dont Sibiu (centre) et Timisoara (ouest), scandant « Voleurs ! » et « Unis, nous sauverons la Roumanie ! », selon les médias.

« Intervention brutale et disproportionnée »

Vendredi, ils étaient environ 80 000 à demander la démission du gouvernement social-démocrate de Viorica Dancila, l’accusant de « corruption » et de vouloir « contrôler la justice ». Des échauffourées, opposant quelques dizaines de hooligans aux forces de l’ordre, avaient fait plus 450 blessés, dont une trentaine de gendarmes.

Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a condamné ces violences et demandé des « clarifications » sur les circonstances dans lesquelles plusieurs journalistes, dont un travaillant pour la télévision publique autrichienne ORF, ont été blessés. « La liberté d’expression et la liberté de la presse sont des libertés fondamentales de l’Union européenne (...) qui doivent être protégées de manière inconditionnelle », a souligné sur Twitter M. Kurz, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE.

Le président roumain de centre droit Klaus Iohannis, en conflit ouvert avec la majorité parlementaire de gauche, a fustigé « l’intervention brutale et disproportionnée » des forces de l’ordre et demandé au parquet général d’ouvrir une enquête. Il a reproché dans la foulée au gouvernement d’« œuvrer contre les intérêts des citoyens », accusant les responsables du parti social-démocrate (PSD, au pouvoir) de « mener le pays vers le chaos et le désordre ».

Mise directement en cause, la ministre de l’intérieur, Carmen Dan, a assuré que les gendarmes avaient agi en respectant la loi pour « défendre les institutions de l’Etat ». Malgré ses explications, des questions restaient en suspens sur l’intervention des forces de l’ordre, qui avaient commencé à faire usage de gaz poivre et lacrymogène avant même les premiers incidents provoqués par des hooligans.

Le PSD vivement critiqué

La Roumanie est le théâtre de manifestations régulières depuis un an et demi, avec un pic d’un demi-million de personnes dans la rue en février 2017. Aucun incident violent n’a jusqu’à présent été enregistré.

Depuis son retour au pouvoir fin 2016, le PSD a lancé une vaste réforme de la justice qui menace l’indépendance des magistrats et vise à permettre à des responsables politiques d’échapper aux poursuites, selon ses détracteurs. Adoptée en plusieurs volets, cette réforme a suscité les critiques de la Commission européenne et provoqué une vague de contestation d’une ampleur sans précédent depuis la chute du régime communiste fin 1989.

Environ quatre millions de Roumains – sur une population totale de 20 millions – ont émigré ces quinze dernières années, à la recherche d’une vie meilleure. En 2017, ils ont envoyé à leurs familles 4,3 milliards d’euros, soit près de 2,5 % du produit intérieur brut de la Roumanie, l’un des pays les plus pauvres de l’Union européenne, où le salaire moyen s’élève à 520 euros.