Une femme dans un bureau de vote de Bamako, au Mali, lors du second tour de la présidentielle, le 12 août. / ISSOUF SANOGO / AFP

Dans le bureau du coordinateur du centre de vote de Boulkassoumbougou, en périphérie de Bamako, les présidents des bureaux de vote défilent. Ils entrent et repartent au pas de course, un isoloir en carton sous un bras, une urne en plastique sous l’autre. Il est 7 h 45, dimanche 12 août. Le second tour de l’élection présidentielle malienne, opposant le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK ») à Soumaïla Cissé, doit commencer dans un quart d’heure.

« Ça manque de suspense tout ça », lâche Mamadou Konaté, l’air désabusé, accoudé à sa moto garée à deux pas du centre de vote. M. Konaté n’ira pas voter car pour lui les jeux sont faits. Au premier tour, IBK a été crédité de 41,7 % des voix, contre 17,78 % pour « Soumi ». Un faible taux de participation est attendu lors de ce second tour. Le 29 juillet, seuls 42,7 % des électeurs se sont rendus aux urnes.

Troupeaux de moutons

Devant le bureau de vote n° 13, un jeune électeur fait pourtant le pied de grue depuis quinze minutes. « C’est bon, ça a commencé ? », lance-t-il à plusieurs reprises. C’est la première fois que Siaka Diabaté vote pour une élection présidentielle. A 8 heures tapantes, il entre dans le bureau et file dans l’isoloir, le sourire aux lèvres. « Déjà lors du premier tour, je voulais être le premier de mon bureau à voter, mais je me suis fait doubler. Cette fois-ci, j’ai réussi. C’est symbolique et important, il faut accomplir notre devoir civique », explique-t-il.

Sur le large goudron de Koulikoro menant au centre-ville de Bamako, il y avait plus d’acheteurs postés devant les troupeaux de moutons que d’électeurs dans les bureaux de vote visités. L’Aïd el-Fitr sera célébrée le 21 août et les préparatifs de cette fête semblent davantage passionner les Maliens, majoritairement musulmans, que le scrutin présidentiel.

A 4 km de là, le centre de vote de Dravela Bolibana est quasiment vide. Sous une pluie battante, quelques délégués des partis enjambent les flaques, sacs plastiques sur la tête. Sous les préaux des bureaux de vote, il y a plus d’observateurs électoraux et de forces de sécurité que d’électeurs. A l’intérieur du bureau 8, l’isoloir est vide. Délégués et assesseurs prennent leur petit-déjeuner en regardant la pluie tomber. Kadiatou Diarra, déléguée de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI), n’est pas surprise du manque d’influence, dû à la pluie, mais pas seulement. « Au premier tour, il y avait 24 candidats. Aujourd’hui, il en reste deux. Les gens dont les candidats sont éliminés sont découragés, ils vont rester à la maison », prédit-elle.

« Pourquoi essayer de frauder ? »

36 000 membres des forces de l’ordre ont été déployés pour sécuriser la présidentielle au Mali. / LUC GNAGO / REUTERS

Les soupçons de fraude, agités depuis le début de la campagne par l’Union pour la République et la démocratie (URD), le parti de M. Cissé, auraient-ils découragé encore davantage les Maliens d’aller aux urnes ? La veille du second tour, lors d’une conférence de presse organisée à la va-vite sur les coups de minuit, l’URD a montré un carnet vierge de 50 bulletins de votes, récupéré à Bamako. « Si des bulletins circulent ainsi, n’est-ce pas pour détourner le vote des Maliens et in fine bourrer les urnes ? Nous avons toutes les raisons de croire que d’autres carnets sont en circulation à Bamako et ailleurs », a déclaré Tiébilé Dramé, le directeur de campagne de Soumi.

« Il est des manœuvres dont nous savons qu’elles sont à l’œuvre pour faire croire que nous serions dans une logique de fraude. (…) Comment frauder quand on l’assurance de l’estime de son peuple ? Pourquoi essayer de frauder ? », a réagi dimanche matin IBK, après avoir été voter.

A la mi-journée, la mission d’observation électorale de l’Union européenne a assuré suivre de près ce dossier. Selon sa responsable Cécile Kyengé, dans les 40 bureaux de vote observés par la mission, le vote s’est déroulé sans incidents majeurs. « Les populations ont reçu des menaces de la part d’hommes armés dans les environs de Diabaly [au centre du Mali], ce qui fait que les gens ne sont pas sortis pour voter », précise Boubacar Diallo, le directeur de la communication du ministère de la défense, avant d’ajouter : « Du matériel électoral a aussi été brûlé hier par des hommes armés à côté de Diré [au nord, région de Tombouctou]. Mais dans le reste du pays, le vote se déroule normalement. » Pour sécuriser ce second tour, 6 000 éléments supplémentaires des forces de défense et de sécurité ont été déployés, portant leur nombre à 36 000.