E. Gabritschevsky (n° 261, 14 × 20,2 cm, 1941). / DR

Huit kilomètres les séparent. Et quelques années aussi. Mais les galeries Chave, à Vence, et Catherine Issert, à Saint-Paul-de-Vence, ont un point commun : elles sortent des sentiers battus. Discrètement nichée dans la vieille ville, la première s’est taillée une réputation avec sa pléiade d’artistes singuliers. La seconde a mis en avant la fine fleur de l’art conceptuel et minimal, puis de la figuration libre, avant de s’attacher à certains artistes issus de l’école des beaux-arts de la Villa Arson, à Nice.

C’est dans une vieille maison familiale qu’Alphonse Chave a ouvert, en 1947, son espace, une galerie de décoration qui vend initialement du matériel de peinture. Puis des tableaux. Très vite une communauté se forme autour de cet homme atypique, des artistes d’abord locaux, puis dans les années 1950 et 1960, Jean Dubuffet (1901-1985), Man Ray (1890-1976), Max Ernst (1891-1976).

Mais aussi des créateurs plus inclassables comme Fred Deux (1924-2015) et ses merveilleux dessins tout en résilles, Philippe Dereux (1918-2001) et ses assemblages d’épluchures. Et bien d’autres encore. « L’esprit de la galerie, c’est de ne pas avoir d’étiquette précise, confie Pierre Chave, fils du fondateur aujourd’hui aux commandes. On ne montre que ce qu’on aime, des œuvres qui ne sont pas tape à l’œil, qui n’ont rien de produits mercantiles. »

Une enfant de la région

La galerie vient d’inaugurer, dimanche 29 juillet, un nouvel espace, le « 12 », dans l’ancien atelier de lithographie. Il fait bon chiner dans la réserve des Chave, trouver une lithographie d’Henri Michaux (1899-1984) à partir de 1 000 euros ou une de ses encres pour 20 000 euros ou des aquarelles de Fred Deux ou d’Eugène Gabritschevsky (1893-1979) pour moins de 5 000 euros. Quant aux dessins sur bois de Pascal Verbena, exposés cet été, ils se négocient entre 3 000 et 6 000 euros.

Enfant de la région, Catherine Issert fait preuve d’un certain culot lorsqu’elle ouvre, en 1975, sa galerie à Saint-Paul-de-Vence. Au début, elle ne pensait pas faire long feu dans ce village pittoresque où avait ouvert en 1964 la Fondation Maeght. Quarante-trois ans plus tard, elle y a pris racine. Les secrets d’une telle longévité alors que les galeries tiennent difficilement en région ? Une clientèle à 70 % étrangère, qui apprécie la douceur de vivre provençale.

« Le village de Saint-Paul est incroyable, il brasse deux millions de personnes, beaucoup de collectionneurs internationaux y ont des résidences secondaires », dit-elle. Et d’ajouter : « Ici, j’ai pu montrer les artistes que je voulais, personne ne m’a jamais dit non. » Elle a ainsi présenté feu François Morellet (1926-2016), adepte d’un minimalisme joyeux, John Armleder et Olivier Mosset, gourous de la scène suisse la plus anar, ou encore les obsessions alchimiques de l’Italien Pier Paolo Calzolari.

Catherine Issert n’a pas perdu son esprit de tête chercheuse, exposant aussi des artistes formés à la Villa Arson, comme Tatiana Wolska ou Aïcha Hamu. Actuellement, elle expose les formes géométriques du sculpteur Vladmir Skoda, dont les œuvres s’échangent entre 2 000 et 75 000 euros. Et prête main forte à la première Biennale internationale de Saint-Paul-de-Vence, organisée jusqu’au 31 août.

Galerie Chave, 13, rue Isnard, 06140 Vence, www.galeriechave.com
Galerie Catherine Issert, 2, route des Serres, 06570 Saint-Paul-de-Vence, www.galerie-issert.com