Lors de la cérémonie de remise du statut de réfugié, à Lille, le 3 août, en présence de la maire Martine Aubry. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

C’était il y a tout juste un mois. A Lille arrivaient 42 Soudanais, parmi les 629 migrants de l’Aquarius, qui avait cherché, déjà, durant des jours, un port pour accoster. La maire (PS), Martine Aubry, après avoir critiqué l’attitude du gouvernement français durant la crise, avait proposé d’accueillir une partie de ces migrants débarqués en juin finalement à Valence (Espagne).

Le 12 juillet, plus de la moitié des 78 migrants accueillis par la France ont ainsi été conduits dans la capitale des Flandres. Ces hommes, âgés de 18 à 32 ans, ont fui les persécutions dans des zones de guerre civile du sud du Soudan, ont traversé le désert libyen et fait naufrage en Méditerranée. Premières missions de la Sauvegarde du Nord, l’association mandatée par l’Etat pendant dix-huit mois pour les accueillir : établir un bilan de santé et les héberger dans un ancien Ehpad prêté par la ville. Deux par chambre, ces hommes apprennent à vivre en colocation autour d’une cuisine commune. « Ils sont ultra-dynamiques, souhaitent vraiment s’insérer et veulent tout connaître sur Lille et la France », explique Martin David-Brochen, directeur de l’inclusion sociale à la Sauvegarde du Nord.

« Accueil exemplaire »

Des professeurs bénévoles proposent des ateliers de discussion tandis que les éducateurs de la Sauvegarde leur expliquent la vie en France et les démarches administratives en attendant les cours de français proposés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration dès la mi-septembre. « Notre rôle est de les rendre autonomes pour une insertion durable », précise la Sauvegarde, où un conseiller en insertion va désormais étudier chaque cas, d’autant que des restaurateurs lillois ont déjà proposé des emplois à ces réfugiés.

De son côté, la ville a libéré des créneaux horaires dans des salles de sport pour leur permettre de faire du football et du basket deux jours par semaine. Le soir de la finale de la Coupe du monde, Martine Aubry a regardé le match à l’hôtel de ville avec ces Soudanais, alors encore inquiets d’être renvoyés en Espagne où l’Aquarius avait accosté.

Trois semaines plus tard, le 3 août, ils sont revenus en mairie, cette fois-ci soulagés. Tous se sont vu remettre par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) le statut de réfugié, qui leur permet d’obtenir une carte de résident pour dix ans. « La procédure a été très rapide, car dès l’arrivée de l’Aquarius au port de Valence, on a mené des entretiens sur place », explique Pascal Brice, le directeur général de l’Ofpra.

Il faut environ trois mois pour instruire un dossier en France. Dans le cas des réfugiés soudanais, il n’aura fallu qu’un mois. « A Lille, on est dans l’accueil exemplaire », souligne Pascal Brice. La ville, les associations, le préfet du Nord, tous se sont impliqués. « Quand les choses sont organisées et maîtrisées, comme ce fut aussi le cas avec la répartition des 10 000 personnes qui étaient à Calais entre 2014 et 2016, ça se passe très bien, même dans les villes où il y avait eu des réticences », note le directeur de l’Ofpra.

Lors de la cérémonie de remise du statut de réfugié, à la mairie, le préfet de région, Michel Lalande, leur avait déclaré : « La France qui vous accueille va vous paraître étrange, [face] à ceux qui vous accueillent les bras ouverts, il y a aussi ceux qui vous accueillent à bras fermés, mais la France est ainsi, aimez-la (…) et cet amour, la France saura vous le rendre. »

En accueillant ces 42 réfugiés du Darfour, Martine Aubry a essuyé les coups de la fachosphère sur les réseaux sociaux. « Je sais qu’une majorité est contre mais si la France n’est plus la France, c’est inutile de défendre ses idées. On est quand même le pays des droits de l’homme, insiste-t-elle. On a accueilli les Espagnols à la période de Franco, puis les Vietnamiens ou les Chiliens et, à l’époque, il n’y avait pas ce sentiment xénophobe. »

L’élue socialiste avait déjà tendu la main à 52 réfugiés syriens en septembre 2015, appuyée par plus de 200 Lillois prêts à accueillir des demandeurs d’asile. Aujourd’hui, quasiment tous sont intégrés, assure-t-elle, et tous parlent français. Lille se dit prêt à accueillir de nouveaux réfugiés. Il reste 20 places.