Second western réalisé, en 1967, par Sergio Sollima, Le Dernier Face à face poursuit l’allégorie politique entamée, en 1966, par le précédent, Colorado. Le film met en scène trois personnages, dont chacun va incarner, à la fois, une place spécifique dans la société tout autant qu’un choix idéologique. Emmené en otage par Beauregard Bennet, un redoutable hors-la-loi en cavale (Tomas Milian), un timide et poitrinaire professeur d’histoire (Gian Maria Volonte) va, petit à petit, se révéler sensible à la révolte instinctive du bandit jusqu’à s’allier à lui et rejoindre sa bande. Les deux hommes sont traqués par un policier privé de l’agence Pinkerton (William Berger).

Sergio Sollima et son co-scénariste Sergio Donati compliquent magistralement le schéma de la « prise de conscience »

Comme dans Colorado, toute la mécanique du récit est essentiellement dialectique. Ici, il s’agit de confronter la position sociale, objective et subjective, de trois personnages, amenés par les circonstances à changer, à prendre conscience d’une situation jugée un moment intenable par chacun, pour le meilleur et pour le pire. Si le bandit et le policier sont touchés par une certaine compassion et un sens intuitif de la justice, le chétif professeur, animé par une volonté de puissance soudaine, perdra toute humanité au profit d’un rapport purement fonctionnel (la fin justifiant les moyens même s’il s’agit de ceux de la violence dite de masse) à l’action, fut-elle au service de la défense des opprimés.

Sollima et son co-scénariste Sergio Donati compliquent magistralement ce schéma de la « prise de conscience » qui fut celui de ce que l’on désignait, à l’époque, parfois avec un peu de dédain, sous le terme de « fictions de gauche », un schéma confronté avec profit aux conventions de ce genre populaire que fut le western italien. A décrypter l’odyssée des trois protagonistes du film, on voit passer, l’air de rien, toutes sortes de questions qui agitaient la critique sociale, marxiste ou non, d’alors, celle du rôle des intellectuels, de l’avant-garde, de l’autonomie des luttes populaires, du léninisme confronté au spontanéisme, etc.

Rêve artificiel et baroque

Mais si la dimension politique de ce cinéma est désormais reconnue, elle ne saurait suffire à expliquer la beauté lyrique du Dernier Face à face. L’utilisation de l’écran large, la dynamique de la profondeur de champ, l’interprétation de Volonte et Milian, la musique de Morricone rappellent à quel point le genre, reconstituant les prairies de l’Ouest américain dans les plaines d’Almeria en Espagne, est aussi une sorte de rêve artificiel et baroque et Sergio Sollima, l’un des grands réalisateurs du cinéma italien moderne.

Il a fallu longtemps, si l’on voulait voir le film, courir les salles de quartiers à double programme qui en montraient, dans des copies fatiguées, une version tronquée, parfois sous le retitrage incongru d’Il était une fois en Arizona, puis, à la mort des cinémas des faubourgs, écumer les vidéo-clubs qui pouvaient en détenir une cassette. Désormais, le film est disponible en DVD et Blu-ray dans un emballage soigné, accompagné d’un livret bourré d’informations sur la genèse et la réception du film. Les temps ont changé. Tant mieux.

LE DERNIER FACE A FACE - Extrait (VOST)
Durée : 01:38

Film italien de Sergio Sollima (1967). Avec Gian Maria Volonte, Tomas Milian, William Berger. 1 DVD/Blu-ray Wild Side. Sur le Web : www.wildside.fr/western/le-dernier-face-a-face-2559.html