Aretha Franklin - Respect [1967] (Original Version)
Durée : 02:30

R.E.S.P.E.C.T. Difficile de ne pas penser à Aretha Franklin, morte jeudi 16 août à l’âge de 76 ans, lorsqu’on épelle les sept lettres de cette valeur essentielle. Respect fut, bien sûr, d’abord écrite et enregistrée par Otis Redding, en 1965. Mais c’est bien la version revue et corrigée par Aretha Franklin en 1967 qui a fait passer la chanson à la postérité.

Plus qu’une reprise, la version sortie par la chanteuse américaine, âgée de 25 ans à l’époque, a transformé ce titre en hymne féministe et politique, consacrant son interprète comme nouvelle « reine de la soul ».

Dans le morceau original, publié sur l’album Otis Blue, M. Redding donne sa voix à un homme clamant son besoin de respect de la part de sa femme. Un respect qui lui serait dû lorsqu’il rentre chez lui, puisqu’il apporte l’argent au foyer. Mais Aretha Franklin, dans sa version enregistrée le jour de la Saint-Valentin 1967 à New York, bouscule ce schéma traditionnel en mettant ces mots dans la bouche d’une femme. 

OTIS REDDING-respect
Durée : 02:10

« La ferveur dans la voix d’Aretha exigeait ce respect »

« All I’m asking is for a little respect when I come home » (« tout ce que je demande c’est un peu de respect quand je rentre à la maison ») devient alors « all I’m asking is for a little respect when you get home » (« tout ce que je demande c’est un peu de respect quand tu rentres à la maison »). « Aretha l’a personnalisée, c’est devenu le truc d’une femme », explique au Washington Post David Ritz, auteur d’une biographie de la chanteuse. « Mais sa version est si profonde et si remplie d’angoisse, de détermination, de ténacité et de toutes ces émotions contradictoires que c’en est devenu un hymne », ajoute l’auteur de Respect : The Life of Aretha Franklin (2014, non traduit).

La chanteuse de Detroit conserve les couplets d’Otis Redding mais inclut un refrain dynamisé par les chœurs, assurés par ses sœurs Erma et Carolyn, et quelques nouvelles expressions. Ce « sock it to me » répété huit fois dans le dernier couplet est un brin provocant, la phrase pouvant se traduire par « montre-moi de quoi tu es capable », voire revêtir une connotation sexuelle – même si Aretha Franklin s’en défendra.

Quand elle épelle le mot « respect », elle ne semble plus seulement le demander, mais bien l’exiger. « Pour Otis, le respect avait une connotation traditionnelle, dans le sens de l’estime », assurait le producteur d’Aretha Franklin, Jerry Wexler, dans son autobiographie, citée par le magazine Rolling Stone. « La ferveur dans la voix d’Aretha exigeait ce respect, et cela impliquait aussi une attention du point de vue sexuel… »

Aretha Franklin a modifié la chanson « de façon si radicale, que j’irais jusqu’à dire qu’elle l’a réécrite », ajoute la musicologue américaine Victoria Malawey, professeure au Macalester College de Minneapolis-Saint Paul, interviewée par l’Agence France-Presse (AFP) :

« Elle n’a pas seulement modifié quelques paroles ou changé le point de vue, elle lui a aussi apporté une nouvelle âme. »

Numéro un des ventes plus de douze semaines

La chanson, parue dans l’album I Never Loved A Man The Way I Loved You, son premier pour le label Atlantic Records, devient un hymne féministe mais donne aussi une voix à la cause des Noirs en lutte pour leurs droits dans l’Amérique des années 1960. Sorti en avril 1967, le titre restera numéro un des ventes pendant plus de douze semaines, précise le Washington Post.

Respect a ensuite traversé les années et été reprise par de nombreux mouvements de revendication. Dans un palmarès paru en 2004, le magazine Rolling Stone en fera la cinquième « chanson de tous les temps ». Un classement dans lequel Aretha Franklin apparaît comme la première femme, placée derrière Like a Rolling Stone de Bob Dylan, (I Can’t Get No) Satisfaction des Rolling Stones, Imagine de John Lennon et What’s Going On de Marvin Gaye.

Grâce ce tube, elle remportera les deux premiers de ses 18 Grammy Awards et lancera sa carrière internationale. Un classique de la musique américaine que l’on peut entendre par ailleurs dans une trentaine de films, de Platoon à Blues Brothers en passant par Forrest Gump.

Quelques mois avant de périr dans un accident d’avion en décembre 1967, Otis Redding jouera Respect sur la scène du Festival de Monterey, non sans un clin d’œil à la nouvelle star de la soul : « La prochaine chanson est une chanson qu’une fille a emmenée loin de moi. Une bonne amie, cette fille, elle m’a juste pris la chanson. Mais je vais quand même la jouer. »

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