Parmi les près de 500 espèces de squales, la distinction majeure réside dans l’aptitude à parcourir de longues distances dans l’océan pour trouver un habitat naturel adapté à leur métabolisme. / JEAN-PHILIPPE PALUD / AFP

Plusieurs apparitions de requins sur le littoral européen ont suscité un certain émoi cet été : est-il normal que des requins-renards et des requins bleus pointent leur aileron en Corse ou à Marseille ? Un grand blanc a-t-il sa place si près des côtes espagnoles ?

« Ces manifestations sont totalement normales, répond Johann Mourier, requinologue au Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement installé à Moorea (Polynésie française) et à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Ce qui serait plutôt à craindre, c’est de ne plus voir ces prédateurs dans certaines eaux comme celles qui bordent Majorque ou le Sud de la France. »

« La connaissance des requins est parfois lacunaire, souligne le chercheur en biologie marine. Pour moi, le spécimen identifié à Majorque n’est pas un grand blanc, mais un requin mako ; les deux appartiennent toutefois à la famille des pélagiques ». Parmi les près de 500 espèces de squales, la distinction majeure réside dans l’aptitude à parcourir de longues distances dans l’océan pour pouvoir trouver un habitat naturel adapté à leur métabolisme.

Les requins pélagiques sont de « grands voyageurs »

Ceux qui en sont le plus capables sont les requins pélagiques, qualifiés de « grands voyageurs au gré des courants » par Johann Mourier. Les bien nommés requins côtiers restent pour leur part attachés à un récif ou autre environnement corallien.

« Les requins sont ectothermes : ils ne peuvent pas réguler leur température, explique le chercheur. Ceux qui sont capables de retrouver une niche thermique qui leur correspond seront moins impactés par le réchauffement. » Pélagiques ou côtiers, les squales vont subir de plein fouet le changement climatique : « L’augmentation de la température aura des conséquences sur le métabolisme de l’animal avec une plus grande demande énergique qui le rendra moins efficace. Par ailleurs, le changement climatique va acidifier l’océan et leur fera perdre leur olfaction de chasseur », souligne le requinologue. D’autres facteurs indirects liés au réchauffement, comme la raréfaction de certaines de leurs proies, ne laisse rien présager de bon pour les prédateurs marins.

Johann Mourier note que l’on assiste « déjà à une redistribution de la répartition des requins : le requin à pointes noires et le requin-tigre commencent à apparaître en Méditerranée. En Angleterre, on commence même à voir des grands blancs ». Mais le scientifique est formel : « Parmi les requins, ceux qui ne seront pas capables de se déplacer vont s’éteindre. »

Dominique Barthélémy, conservateur adjoint en charge du milieu vivant à Océanopolis, à Brest, relève par ailleurs « l’augmentation sensible du nombre de baigneurs et de surfeurs tués par des requins-bouledogues sur les côtes de l’île de la Réunion depuis dix ans. Ces derniers y sont de plus en plus nombreux, ce serait lié au changement climatique selon plusieurs scientifiques ».

Le conservateur de l’aquarium de Brest pense lui aussi que des évolutions sont déjà en cours. « La présence de certaines espèces de squales sur des sites où ces animaux étaient rares aura un impact sur d’autres populations animales, et à terme sur les activités humaines comme à la Réunion. »