L’ancien député Henri Jibrayel, le 23 novembre 2010 à l’Assemblée nationale. / BORIS HORVAT / AFP

Des mini-croisières « pour les petits vieux » des quartiers Nord de Marseille financées en 2011 et 2012 par des associations contrôlées par Henri Jibrayel, député (PS) de 2007 à 2017, valent à ce dernier d’être renvoyé devant le tribunal correctionnel de Marseille pour abus de confiance et prise illégale d’intérêt. Dans leur ordonnance signée le 3 août, les juges d’instruction Benoît Couzinet et Valéry Muller estiment que leur enquête, ouverte en 2011 sur la base de lettres anonymes, a mis au jour « un système visant à détourner des subventions, via des associations de quartier n’ayant aucune autonomie, dans le but de financer des opérations à visée électorale ».

Quatre sorties en mer à la journée sur des ferries de l’ex-SNCM offertes aux personnes âgées de sa circonscription des Bouches-du Rhône avaient été organisées en mai 2011 puis en juin 2012, au lendemain de la réélection de M. Jibrayel. Les factures de 31 650 et de 38 520 euros avaient été réglées par trois associations dont les juges estiment que l’ancien député était le gérant de fait. Deux d’entre elles étaient dirigées par son assistante parlementaire – décédée en cours d’instruction.

Avec son autre casquette de conseiller général, M. Jibrayel se voit reprocher d’avoir œuvré au versement par le conseil général des Bouches-du-Rhône de subventions à ces associations, ce qui lui vaut sa mise en cause pour prise illégale d’intérêts. L’ex-assistante parlementaire avait reconnu travailler « à la fois pour le bien du quartier vis-à-vis des seniors par exemple et pour [Henri Jibrayel]. Mes interventions et mes associations me servent pour les deux buts ».

« Activisme local »

M. Jibrayel avait négocié les croisières et leur prix auprès de la SNCM, dont le président du directoire de l’époque avait alors perçu « l’activisme local » de l’élu : « J’ai vu ce genre de choses avec des petits vieux à de multiples reprises, c’est un vote important à caresser pour les politiques de tout bord. » Les juges d’instruction s’interrogent sur le choix de la date de la première croisière, en mai 2011, afin d’éviter que les sommes figurent dans le compte de campagne du député, ouvert en juin, un an avant le scrutin. Selon plusieurs responsables d’associations d’aide aux personnes âgées, ces invitations à ces mini-croisières étaient présentées comme des cadeaux de M. Jibrayel.

Ce dossier met en lumière d’étonnantes pratiques clientélistes. La responsable d’une association de copropriétaires a ainsi rapporté que l’assistante parlementaire de M. Jibrayel lui aurait conseillé de créer une association et de solliciter des subventions afin de faire goudronner la cour de la copropriété. Pour le dossier de subvention déposé auprès des collectivités locales, elle avait été invitée à « parler de la construction d’un local associatif ».

« Il s’agit d’un projet privé dans une copropriété mais comme personne ne voulait payer, il fallait bien trouver une solution, a expliqué la présidente de cette association. J’avais demandé aux copropriétaires de prendre leur carte du Parti socialiste. Les gens du quartier savaient que j’avais les subventions grâce au Parti socialiste et à M. Jibrayel ».

« Je ne suis pas l’organisateur de ces croisières », a déclaré au Monde, mercredi 15 août, l’ancien député, mis en examen en décembre 2014. Il s’est dit « serein et tranquille pour obtenir une relaxe devant le tribunal qui reconnaîtra que l’accusation est erronée ».