Kerem Shalom, le seul point de passage des marchandises entre Israël et la bande de Gaza, a rouvert mercredi 15 août. / Adel Hana / AP

Après quatre mois de vives tensions, une guerre a peut-être été évitée. Le cabinet de sécurité israélien a approuvé, mercredi 15 août, un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas au cours d’une réunion consacrée à la situation dans la bande de Gaza. Cette décision a eu lieu alors que des négociations indirectes sont menées par l’Egypte et les Nations unies depuis mars, pour aboutir à un cessez-le-feu de longue durée entre l’Etat hébreu et le Hamas. A ce stade, le mouvement islamiste qui contrôle Gaza depuis 2007 n’a pas réagi. Une telle issue pourrait permettre de résoudre la crise humanitaire dans l’enclave palestinienne.

Quelques heures avant la confirmation de l’accord, Kerem Shalom, le point de passage unique des marchandises entre Israël et la bande de Gaza, rouvrait après plus d’un mois d’une fermeture instaurée en représailles à des actes hostiles contre Israël. Le ministre israélien de la défense, Avigdor Lieberman, a justifié sa réouverture par le récent retour au calme dans le territoire palestinien. La zone de pêche devrait y être élargie à neuf mille nautiques (17 km) au lieu de trois (5,6 km). Dans un communiqué, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a salué « la décision israélienne » en réponse « aux appels pour éviter l’impact dévastateur d’un nouveau conflit sur la population civile à Gaza et dans ses environs ».

Violence cristallisée

Après une longue période de calme depuis la fin du conflit en 2014, la violence était de retour à Gaza depuis le printemps. Elle s’est cristallisée dans la Marche du retour, commencée le 30 mars, et qui défendait le droit des Palestiniens réfugiés depuis 1947 au retour sur leurs contrées d’origines en territoire israélien et exigeait la fin du blocus israélo-égyptien sur l’enclave, instauré après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en 2007.

Les manifestations hebdomadaires le long de la clôture frontalière avec Israël et les cerfs-volants incendiaires ont exacerbé les tensions : des milliers de Palestiniens ont été blessés et 172 tués par les soldats israéliens. Plus de 25 km2 de terres ont été incendiées dans le sud d’Israël. A partir de mai, les affrontements entre l’Etat hébreu et le mouvement islamiste se sont multipliés, chacun testant sur l’autre son pouvoir de dissuasion militaire.

Lors de la dernière escalade, dans la nuit du 8 au 9 août, les factions palestiniennes ont tiré 200 roquettes et obus depuis Gaza vers le sud d’Israël après la mort, deux jours plus tôt, de deux membres de la branche armée du Hamas dans ce qui s’est avéré être une erreur de tir israélienne. Plus de 150 cibles militaires du Hamas ont alors été frappées en représailles. Les raids ont fait trois morts, dont une femme enceinte et sa fille de 18 mois. Une vingtaine d’Israéliens ont également été blessés.

Un fragile cessez-le-feu a été conclu tard dans la nuit du 9 août, par l’intermédiaire de l’Egypte, sans qu’Israël ne le confirme. Malgré l’accalmie du week-end, M. Lieberman assurait dimanche qu’une guerre à Gaza était « inévitable ». Deux jours plus tard, il annonçait, sur un autre ton, le desserrement du blocus, donc l’annulation des sanctions prises, dès le 9 juillet, pour que le Hamas mette fin aux manifestations et aux engins incendiaires.

Approbation de principe

Israël était resté discret au sujet de négociations indirectes avec le Hamas, qu’il considère comme une organisation terroriste. Le 13 août, la « 10 », une chaîne israélienne privée, révélait que le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, avait rencontré secrètement, en mai, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, au Caire, pour discuter entre autres d’une éventuelle trêve avec le parti islamiste à Gaza. Le lendemain, le ministre des finances, Moshe Kahlon, confirmait cette visite, précisant que « tout ce qui se passera [it] à Gaza serait fait avec la médiation de l’Egypte ».

Selon les médias israéliens, l’accord sur un cessez-le-feu avait d’abord reçu une approbation de principe des ministres du cabinet de sécurité le 12 août. Seuls Naftali Bennett, le ministre de l’Education et la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, s’y sont opposés. Chef du parti nationaliste religieux, le Foyer juif, M. Bennett s’était auparavant prononcé pour une intervention militaire à Gaza. Il considère toute trêve comme dangereuse, car elle favoriserait le réarmement du Hamas.

Le détail de l’accord annoncé par le cabinet de sécurité n’est pas connu, et un échange de prisonniers n’y figurerait pas. « Personne ne parle d’un accord de cessez-le-feu de longue durée. Comme d’habitude, c’est une trêve temporaire, en attendant la prochaine escalade », avance Yaakov Amidror, ancien chef du Conseil de sécurité nationale.

« Geste humanitaire à moindre coût »

« Le Hamas souhaite, pour la population civile, une fête de l’Aïd el-Kebir [dès le 21 août] sans violence. Pour Israël, rouvrir Kerem Shalom et faire passer des marchandises est un geste humanitaire à moindre coût », explique Eado Hecht, chercheur au centre d’études stratégiques Begin-Sadate. « La demande d’Israël est d’ailleurs de revenir à l’accord a minima convenu après l’opération Bordure protectrice [de l’été 2014] : la cessation des hostilités, une levée partielle du blocus et un élargissement de la zone de pêche. » Le calme assuré, le programme de réhabilitation de Gaza, proposé par le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix, Nikolaï Mladenov, pourra être mis en œuvre.

Dans le cadre des négociations, l’Egypte mise aussi sur le retour de l’Autorité palestinienne (AP) dans la bande de Gaza, après une réconciliation avec le Hamas. Des discussions au Caire entre les factions politiques de Gaza et une délégation venue de Cisjordanie ont lieu depuis le 15 août, sans garantie de réussite. Le Hamas salue le plan de l’ONU pour réhabiliter Gaza, mais refuse les concessions exigées par l’AP, concernant l’armement et les taxes. Pour faire pression sur le Hamas, celle-ci maintient ses sanctions à Gaza, notamment le gel des salaires des fonctionnaires. Le Hamas est également déterminé à poursuivre les négociations avec Israël tout en imposant des conditions que l’Etat hébreu n’est pas près d’accepter, comme la levée immédiate du blocus.