A Istanbul, le 15 août. / Lefteris Pitarakis / AP

La Turquie a maintenu vendredi 17 août l’assignation à résidence d’un pasteur américain, en dépit de nouvelles menaces de sanctions des Etats-Unis, qui ont mis à mal la livre turque et auxquelles Ankara a promis de répliquer.

Un tribunal d’Izmir, dans l’ouest du pays, a rejeté un recours du religieux Andrew Brunson, dont le sort est au cœur de l’une des plus graves crises diplomatiques entre les deux alliés au sein de l’OTAN, depuis près d’un demi-siècle.

La veille, le secrétaire au trésor américain Steven Mnuchin avait prévenu que Washington prendrait des mesures supplémentaires si Ankara ne libérait pas le pasteur. « Nous avons répliqué [aux sanctions des Etats-Unis] en accord avec les règles de l’OMC [Organisation mondiale du commerce] et nous continuerons de le faire », a rétorqué, vendredi, la ministre du commerce turque, Ruhsar Pekcan, citée par l’agence étatique Anatolie.

Entretien avec Bruno Le Maire

Gel des avoirs de ministres de part et d’autre, augmentation réciproque des tarifs douaniers sur certains produits… : les actions déjà prononcées par Washington et la riposte d’Ankara ont créé un vent de panique sur les marchés.

Et alors que la crise diplomatique ne montre aucun signe d’apaisement, la livre turque, qui a pourtant repris des couleurs cette semaine après une spectaculaire débâcle, piquait à nouveau du nez vendredi. En fin de journée, la devise avait perdu près de 4 % face au dollar, comparé à jeudi soir, repassant au-dessus de la barre des 6 livres pour un billet vert.

Le ministre des finances turc, Berat Albayrak, s’est entretenu vendredi avec son homologue français, Bruno Le Maire. Au cours de cet entretien, les deux hommes se sont accordés à « renforcer leur coopération et agir ensemble face aux sanctions américaines », selon un tweet de M. Albayrak. Leurs équipes doivent se retrouver à Paris le 27 août, selon Anatolie.

M. Albayrak s’est efforcé de se montrer rassurant au cours d’une téléconférence inédite jeudi avec plusieurs milliers d’investisseurs. Il a affirmé que son pays « émergerait encore plus fort » de la crise de la livre, dont la valeur a fondu d’environ 40 % par rapport au dollar cette année. Il a également rejeté les éventualités d’un plan d’aide du Fonds monétaire international (FMI) ou d’un recours au contrôle des capitaux.

Note de la dette abaissée

Mais son allocution n’a pas suffi à rasséréner les marchés. Et, dans la soirée de vendredi, les agences de notation Standard and Poor’s et Moody’s ont abaissé la note de la dette de la Turquie, SP projetant même une récession en 2019.

La note de SP est abaissée à « B + », s’enfonçant dans la catégorie des investissements considérés comme très spéculatifs. Celle de Moody’s passe à « Ba3 » avec une perspective négative, indiquant qu’elle pourrait encore l’abaisser dans quelques mois. L’agence signale un « affaiblissement continu des institutions publiques turques » et « les préoccupations grandissantes relatives à l’indépendance de la banque centrale ».

Preuve peut-être du rapprochement souhaité avec l’Europe, la justice turque a ordonné cette semaine la libération de deux soldats grecs et du président d’Amnesty International dans le pays, des décisions inattendues dans deux affaires très critiquées au sein de l’UE.