Boutiques fermées en raison de la crise économique dans le centre d’Athènes, le 10 août. / LOUISA GOULIAMAKI / AFP

Longtemps bannie du marché obligataire et soumise à des années d’austérité, la Grèce sort officiellement ce lundi 20 août de son troisième – et dernier – plan de renflouement financier, d’un montant de 86 milliards d’euros. Le pays a désormais l’espoir de pouvoir de nouveau se financer à terme sur les marchés.

La Grèce a reçu au total 260 milliards d’euros d’aide financière depuis avril 2010 en contrepartie d’une politique d’austérité drastique. Après l’Irlande en 2013, l’Espagne et le Portugal en 2014, et Chypre en 2016, elle est le dernier des pays membres de l’Union européenne à sortir de la tutelle des mémorandums d’ajustement.

Dans un entretien publié dimanche par le quotidien Kathimerini, le gouverneur de la banque centrale, Yannis Stournaras, met cependant en garde contre toute remise en cause des engagements qu’Athènes a pris auprès de ses créanciers.

« Si nous revenons sur ce que nous avons accepté, maintenant ou dans le futur, les marchés nous abandonneront et nous ne serons plus en mesure de refinancer dans des conditions viables les prêts arrivant à échéance. »

Athènes s’est notamment engagé à dégager un excédent budgétaire primaire – hors service de la dette – de 3,5 % du PIB jusqu’en 2022 puis de 2,2 % jusqu’en 2060. Pour faciliter son retour à l’autonomie, les ministres des finances de la zone euro sont parvenus fin juin à un accord d’allégement de la dette, prolongeant notamment les échéances et accordant des délais de grâce sur un montant total d’une centaine de milliards de dollars de dettes.

« Une surveillance renforcée »

Ce plan d’allégement est assorti d’une injection massive de liquidités, à hauteur de 15 milliards d’euros, qui dote le Trésor grec d’une réserve de précaution de 24 milliards d’euros, laissant Athènes libre de retourner sur les marchés ou de puiser dans ce fonds pour faire face à ses échéances.

Le premier ministre, Alexis Tsipras, avait alors salué un « accord historique ». « C’est une nouvelle page pour le pays. Cela ne signifie pas que nous devons renoncer à la voie prudente de l’équilibre budgétaire et des réformes structurelles (…) mais que nous pouvons renoncer à la voie épineuse des mémorandums et de l’austérité extrême », ajoutait le quatrième des chefs de gouvernement qui se sont succédé depuis l’éclatement de la crise.

Cette prolongation des échéances et la réserve de précaution visent à rassurer les investisseurs sur le fait que la Grèce peut assurer le service de sa dette sur la durée. Ce geste a été considéré comme nécessaire dans un contexte de guerre commerciale et de montée de l’euroscepticisme.

Klaus Regling, qui dirige le Mécanisme européen de stabilité (MES), a rappelé que la Grèce serait placée sous « surveillance renforcée », conformément à une décision prise par la Commission européenne le 11 juillet pour s’assurer qu’Athènes ne revient pas en arrière sur les réformes et sa trajectoire budgétaire.

« La Grèce est un cas unique. Elle a reçu bien plus de prêts de notre part que tout autre pays. Aucun autre pays sous programme n’a reçu des sommes comparables. Par conséquent, la surveillance sera plus serrée que dans les autres cas et prendra la forme de ce que l’on nomme surveillance renforcée », dit-il dans une interview accordée au quotidien Ethnos.

Ce cadre prévoit notamment l’envoi à Athènes de missions d’évaluation tous les trois mois « afin de recenser les risques à un stade précoce ».

Le poids de la dette le plus lourd de la zone euro

La Grèce a basculé dans la tourmente après les élections législatives d’octobre 2009, quand le nouveau gouvernement, socialiste, a révélé que le déficit budgétaire du pays était trois fois plus élevé que les chiffres officiels avancés par le précédent gouvernement conservateur.

Avec la crise, la Grèce a perdu un quart de sa richesse, le chômage s’est envolé et les salaires et les retraites ont été réduits d’environ 40 %. Le poids de la dette représente aujourd’hui 180 % du PIB, le plus lourd de toute la zone euro.

Mais quelques rayons de soleil commencent à percer à travers les nuages : l’activité économique est en phase de reprise, à un rythme annuel de 2,3 %, le tourisme est en plein essor et le chômage recule un peu, à 19,5 % après avoir frappé au plus haut près de 28 % de la population active.

Le scepticisme reste cependant de mise, y compris au Fonds monétaire international (FMI) qui prévoit certes une croissance de 2 % cette année et de 2,4 % en 2019 mais note que les « risques extérieurs et intérieurs sont orientés vers le bas ». Le FMI juge également qu’une révision « réaliste » des objectifs d’excédents budgétaires primaires sera nécessaire.

« Je ne vois pas de raison de jubiler à propos de la sortie du mémorandum, parce qu’il est possible que nous allions de Charybde en Scylla », prévient Thanos Veremis, professeur émérite d’histoire à l’Université d’Athènes, pointant la faiblesse du pouvoir d’achat des Grecs, soumis à une forte pression fiscale.