Pour une série de pathologies, les modalités d’assurance sont strictement encadrées dès lors que le patient répond à certains critères, notamment de gravité. Inscrite dans la convention Aeras, la liste des maladies concernées a été étendue le 16 juillet. / Natalie Faye/Image Source / Photononstop

Vous avez souffert d’un cancer mais votre traitement est terminé depuis au moins dix ans, sans rechute ? Votre crédit peut être assuré dans des conditions classiques puisque vous n’avez pas à le déclarer. Pour un cancer survenu avant l’âge de 18 ans, le délai est ramené à cinq ans. C’est le fameux droit à l’oubli.

Quid de ceux dont le cancer est plus récent ou qui souffrent de maladies chroniques ? Pour une série de pathologies, les modalités d’assurance sont strictement encadrées dès lors que le patient répond à certains critères, notamment de gravité. Inscrite dans la convention Aeras (« s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé »), la liste des maladies concernées a été étendue le 16 juillet.

Ont ainsi été intégrés les cancers du rein et de la prostate, l’hépatite C chronique, les leucémies, la mucoviscidose et certaines tumeurs cérébrales. Aux côtés des cancers des testicules et du sein, du VIH, des hépatites C non chroniques, etc., qui y figuraient déjà. Vous trouverez ici la grille de référence actualisée, avec, pour chaque maladie, les critères et modalités d’assurance.

Deux catégories de pathologies

Rappelons que cette convention Aeras, signée en 2006, vise à aider les personnes ayant développé une maladie grave ou chronique à accéder à l’assurance emprunteur, donc à un crédit, immobilier ou professionnel. Une assurance non imposée par la loi mais généralement exigée par les prêteurs. La grille est revue chaque année par l’Etat, les professionnels de l’assurance et de la banque et les associations.

En quoi l’inscription d’une maladie à cette liste facilite-t-elle les démarches des emprunteurs ? Pour comprendre, il faut savoir que la grille comporte deux parties. Si votre maladie apparaît dans la première, et que vous respectez les critères, la déclaration de votre pathologie à l’assureur est requise (c’est la différence avec le droit à l’oubli) mais celle-ci ne pourra entraîner ni surprimes (majorations du prix de l’assurance), ni exclusions de garantie (par exemple une garantie invalidité qui ne couvrirait pas une invalidité liée à votre maladie…). Délai d’accès à ce droit : un à huit ans après la fin du traitement, selon les pathologies.

Dans cette catégorie viennent d’être ajoutés les cancers du rein et les leucémies aigües promyélocytaires. Pour ces dernières, le droit à l’assurance dans des conditions normales s’applique trois ans après la fin du traitement. Pour les premiers, il faut attendre cinq à huit ans.

Surprimes plafonnées

Si votre maladie figure dans la seconde partie du tableau, on doit vous proposer, en fonction des pathologies, certaines garanties minimales et les surprimes sont autorisées mais plafonnées. A condition, souvent, qu’un certain laps de temps se soit déroulé depuis le diagnostic, et de respecter certains critères médicaux. Exemple : si vous souffrez d’une leucémie dite LMC (myéloïde chronique) diagnostiquée il y a cinq ans, la surprime maximale s’élèvera à 150 %.

L’élargissement de la grille constitue « un réel progrès », estime la Ligue contre le cancer. « Des personnes porteuses d’une pathologie cancéreuse à un stade localisé et à faible risque de progression vont pouvoir bénéficier d’une assurance », indique-t-elle. Elle se réjouit notamment de l’intégration au dispositif, pour la première fois, de patients « en surveillance active », atteints d’un cancer de la prostate mais non traités.

L’ajout de certaines maladies fait polémique

La majorité des associations signataires de la convention Aeras désapprouvent cependant cette version 2018 de la grille de référence, dénonçant un « risque de régression ». En cause : le type de risques obligatoirement couverts. Trois pathologies (mucoviscidose, prostate, hépatite C) ont en effet été intégrées sans assurance invalidité, et même sans garantie PTIA (perte totale et irréversible d’autonomie) pour la mucoviscidose. Alors que jusqu’ici, les garanties décès, PTIA et invalidité étaient toutes trois accessibles pour toutes les pathologies de la liste.

« Nous craignons un nivellement par le bas, que cela fasse jurisprudence pour les pathologies qui intégreront la liste à l’avenir », explique Nadia Ziane, de Famille rurales. « On ne peut pas dire que l’assurabilité est garantie si l’on n’assure que le décès ! Les banquiers risquent de refuser de prêter si les emprunteurs se présentent sans garantie invalidité, voire sans PTIA. »

« Faux problème », répond Franck Daveau, conseiller « Aidea », le service d’accompagnement des emprunteurs de la Ligue contre le cancer. « Nous voyons régulièrement des banquiers prêter sans garanties invalidité, voire sans assurance du tout, tout dépend des montants, de la politique de la banque, de la situation du co-emprunteur. Hypothèque, cautionnement, nantissement : il existe des alternatives. »

Pas de quoi convaincre Mme Ziane. « Dans les cas où les banquiers accepteront, l’emprunteur ne sera pas couvert s’il se retrouve invalide et doit cesser de travailler. Au problème de santé s’ajouteront alors les soucis financiers s’il doit continuer à rembourser son prêt. Aide-t-on vraiment quelqu’un en lui faisant courir le risque de perdre sa maison ? »

Pierre Guérin, président de Vaincre la mucoviscidose, salue, lui, la première inscription d’une maladie rare à la liste. « Ne pas obtenir de garantie invalidité n’est pas un recul pour la mucoviscidose puisque nos patients n’obtenaient aucune garantie jusqu’ici. Si un emprunteur salarié n’est pas couvert sur l’invalidité par l’assurance, il pourra l’être par la Sécurité sociale et la prévoyance de son entreprise. Et pourra toujours vendre le bien. »

« C’est un pied enfoncé dans la porte », poursuit-il. « Nous ne pouvons dire combien de personnes pourront en profiter mais ce n’est qu’un premier pas. »