L’ancien archevêque de Washington, Theodore McCarrick, au Vatican, en 2005. / Pier Paolo Cito / AP

Depuis sa désastreuse visite au Chili, en janvier, pendant laquelle il a accusé de « calomnie » les victimes d’un prêtre prédateur, le pape François n’a cessé de se heurter à la question des violences sexuelles dans l’Eglise catholique. Une bonne partie de son emploi du temps est consacrée à trouver comment sauver du naufrage l’Eglise chilienne, dont tous les évêques lui ont remis leur démission en mai. Il a accepté celle de cinq d’entre eux, mais des victimes accusent plusieurs autres prélats d’avoir couvert les agissements de dizaines de clercs soupçonnés ou accusés d’agressions.

Les critiques visent en particulier le cardinal Francisco Javier Errazuriz, membre du C9, le conseil de neuf cardinaux dont s’est entouré François à son arrivée au Vatican, et le cardinal Ricardo Ezzati, archevêque de Santiago. Ce dernier est convoqué mardi 21 août par le procureur qui enquête sur plusieurs affaires. Le 4 août, l’archevêque de Santiago a annoncé qu’il renonçait à présider, le 18 septembre, le traditionnel Te Deum pour la patrie. Selon la presse chilienne, le président (conservateur) de la République, Sebastian Piñera, aurait menacé de ne pas s’y rendre si le cardinal Ezzati était présent.

« Grave faute morale »

Pendant ce temps, la justice du pays continue d’enquêter. Le 1er août, le procureur national a officiellement demandé à l’Etat du Vatican d’avoir accès aux dossiers canoniques de neuf clercs soupçonnés d’agressions sexuelles, puis, le 14 août, a perquisitionné le siège de la conférence épiscopale.

Le Chili n’est pas le seul cas que le pape a eu à traiter cet été. Le 30 juillet, François a obtenu la démission d’un archevêque australien, Philip Edward Wilson, condamné le 3 juillet à un an de prison pour avoir couvert des actes de pédophilie. Les autorités politiques australiennes avaient elles aussi exercé une pression sur le Saint-Siège pour que des décisions soient prises. « Le temps est venu pour le pape de le limoger », avait déclaré le premier ministre australien, Malcolm Turnbull. Un autre prélat australien, et non des moindres, est actuellement jugé pour des accusations d’agressions sexuelles. Il s’agit du cardinal George Pell, membre lui aussi du C9 du pape et responsable des affaires économiques du Vatican.

Deux jours auparavant, le 28 juillet, le pape François avait accepté la démission du collège des cardinaux de Theodore McCarrick, 88 ans, ancien archevêque de Washington, accusé d’agressions sexuelles sur mineurs et sur majeurs. La mise en cause de cette éminente figure de l’Eglise américaine n’a pas fini de soulever des questions gênantes dans la mesure où sa conduite sexuelle n’aurait pas été un secret pour tout le monde. Pas même au Vatican. Le président de la conférence épiscopale américaine, le cardinal Daniel DiNardo, a lui-même reconnu que le fait que des plaintes contre Theodore McCarrick aient été tenues secrètes « pendant des décennies » était une « grave faute morale ».

Aux Etats-Unis, les regards se sont tournés vers le plus haut responsable américain au sein de la curie romaine, le cardinal Kevin Farrell, préfet du dicastère (ministère) pour la famille et les laïcs. Ordonné évêque par Theodore McCarrick, il a été son vicaire général à Washington jusqu’en 2006.

Interrogé par l’agence Associated Press sur ce qu’il savait de la conduite de son mentor, il a affirmé qu’il n’avait jamais eu ne serait-ce qu’un soupçon ni connaissance d’aucune plainte. Questionné à son tour, l’actuel archevêque de Washington, le cardinal Donald Wuerl, a fait la même réponse. Mais ce n’est pas son seul souci : il est par ailleurs cité dans le rapport sur les diocèses de Pennsylvanie comme l’un des évêques – il était en poste à Pittsburgh de 1988 à 2006 – ayant protégé un prêtre abusif.

Le 20 juillet, enfin, le pape a accepté la démission d’un évêque auxiliaire de Tegucigalpa (Honduras), Juan José Pineda, 57 ans. Le prélat était l’adjoint du cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, lui aussi membre du C9 de François. En 2017, le Vatican avait conduit une enquête sur Juan José Pineda à la suite, semble-t-il, d’accusations concernant sa vie sexuelle.