Maria Isabel « Chicha » Chorobik de Mariani, l’une des fondatrices des Grands-Mères de la Place de Mai, en juillet 2006. / ROBERTO ACOSTA / AFP

Maria Isabel Chorobik de Mariani, l’une des fondatrices des Grands-Mères de la Place de Mai, l’ONG qui, en Argentine, recherche inlassablement depuis plus de 40 ans les enfants volés par la junte pendant la dictature (1976-1983), est morte le 20 août, à l’âge de 94 ans.

« Chicha », comme elle était affectueusement surnommée, s’est éteinte, des suites d’un AVC, à La Plata (capitale de la province de Buenos Aires), sans avoir pu retrouver sa petite-fille, Clara Anahi, enlevée, le 24 novembre 1976, par les militaires quand elle avait trois mois, après que ses parents, opposants au pouvoir, ont été assassinés.

Trente mille personnes ont disparu pendant les années de plomb, selon les associations de défense des droits de l’homme. Cinq cents enfants, selon les Grands-Mères de la Place de Mai ont été enlevés, certains après que leurs parents ont été tués, et d’autres sont nés dans les centres clandestins où leurs mères étaient détenues. Ces bébés ont ensuite été illégalement adoptés, le plus souvent par des familles de militaires, policiers ou proches du régime. Cent vingt-huit ont jusqu’à présent été identifiés et récupérés par leurs familles biologiques.

Simple institutrice qui a bravé le régime

Après avoir parcouru sans relâche, orphelinats, hôpitaux, tribunaux et églises à la recherche de sa petite-fille, sans jamais obtenir de réponse, « Chicha » Mariani, simple institutrice, décida de créer, avec onze autres femmes, le 21 novembre 1977, un an après le coup d’Etat, l’association des Grands-Mères de la Place de Mai. Ces femmes avaient en commun d’avoir perdu leurs enfants, mais aussi leurs petits-enfants. Bravant le régime de terreur, elles menèrent leur lutte parallèlement à celle des Mères de la Place de Mai qui réclament la vérité sur le sort de leurs enfants disparus.

Au retour de la démocratie, en 1983, « Chicha » devint la présidente des Grands-Mères de la Place de Mai. L’ONG dispose, depuis 1987, d’une banque de données génétiques, unique au monde, réunissant les profils de toutes les familles de disparus et permettant de faire les preuves ADN de filiation, avec 99,99 % de certitude.

« Nous continuerons à chercher Clara Anahi »

En 1989, à la suite de divergences au sein de l’ONG, « Chicha » avait quitté le groupe des Grands-Mères de la Place de Mai pour créer sa propre fondation, Anahi, et se consacrer entièrement à la recherche de sa petite-fille. Par deux fois, elle avait cru avoir retrouvé Clara Anahi, mais les analyses génétiques s’étaient finalement révélées négatives.

Après l’annulation des lois d’amnistie en 2003 et l’ouverture de procès contre les anciens tortionnaires de la dictature, « Chicha » avait dénoncé, le 5 juillet 2006, comme responsable de la disparition de sa petite-fille, l’ex-policier Miguel Etchecolatz. Ce dernier a été condamné à la prison à perpétuité pour « crimes contre l’humanité ».

« J’ai l’espoir que ma petite-fille va apparaître, même si je ne suis plus là pour la voir », avait-elle confié dans une interview récente. « Nous continuerons à chercher Clara Anahi » ont annoncé, dans un communiqué, mardi, les Grands-Mères de la Place de Mai, dont la présidente actuelle est Estela de Carlotto.