Le pape copte Théodore II célèbre la messe de Noël dans la cathédrale de la Nativité, à 45 km du Caire, en Egypte, le 6 janvier 2018. / KHALED DESOUKI / AFP

Un évêque retrouvé battu à mort dans son monastère isolé, deux moines accusés de l’avoir tué dans l’attente d’être jugés… Une obscure saga agite la communauté copte d’Egypte, déjà fragilisée par de nombreuses menaces.

La victime dirigeait le monastère Saint-Macaire de Scété, situé au cœur des plaines poussiéreuses de Wadi Al-Natrun, à environ 80 km du Caire. C’est ici qu’au détour d’un couloir, deux moines coptes se sont rués fin juillet sur l’évêque Epiphanius, 68 ans, qui se rendait à la messe, selon l’accusation. Isaïe Al-Makari le frappe alors trois fois à la tête avec une barre métallique, tandis que Philotheos Al-Makari assiste sans broncher à la scène, d’après les charges retenues contre ces moines cités sous leur nom ecclésiastique.

Ce meurtre propulse sous les feux des projecteurs un clergé généralement discret et agite la communauté chrétienne la plus nombreuse du Moyen-Orient. Les Coptes représentent en effet 10 % des plus de 96 millions d’Egyptiens. Faiblement représentés au gouvernement, ils se disent marginalisés et sont depuis longtemps la cible de violences, aggravées avec la montée en puissance des djihadistes.

« Le meurtre d’un évêque par deux moines au sein d’un monastère va propager une onde de choc à travers la communauté, estime Samuel Tadros, analyste à l’institut Hudson, à Washington. Les membres du clergé copte ne sont pas seulement considérés comme des fonctionnaires religieux, mais comme les pères de la communauté. »

Luttes de pouvoir

Plusieurs semaines après la découverte du corps de l’évêque Epiphanius, les raisons de sa disparition restent mystérieuses. Isaïe Al-Makari, de son nom civil Waël Al-Saad, a avoué avoir commis le meurtre en raison de « désaccords », a affirmé le procureur, sans donner plus de détails. Ayant déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires, il a été rapidement défroqué après la découverte du corps.

L’autre accusé, Philotheos Al-Makari, aurait commis, selon un média officiel, deux tentatives de suicide et aurait été un temps hospitalisé. Une information qui n’a pas été confirmée de source indépendante. Les deux sont actuellement en détention.

« Nous en savons très peu. L’Eglise et les institutions officielles n’ont pas fait beaucoup de commentaires, observe Shady Lewis Botros, un chercheur égyptien basé à Londres. La rancune personnelle est une explication tout à fait plausible. » L’Eglise a fourni peu de détails sur le meurtre, faisant valoir que l’enquête était aux mains de la justice. « Il n’est pas dans notre intérêt de couvrir les actes répréhensibles », a déclaré le pape copte orthodoxe Théodore II, en parlant de « crime ».

Ce meurtre a néanmoins mis en lumière des désaccords de longue date et les luttes de pouvoir au sein de l’Eglise. Les positions de l’évêque Epiphanius, qui appelait à se consacrer aux seules questions spirituelles et remettait en question le legs de l’ancien chef de l’Eglise, ont parfois agacé certains de ses coreligionnaires.

Interdits de réseaux sociaux

Mais les querelles internes, dont celle qui a peut-être conduit au meurtre, ne concernent pas toutes des questions de dogme. « La plupart des conflits sont limités et sont liés aux allégeances, au partage du pouvoir, au prestige ou à des questions financières, explique Shady Lewis Botros. Le dogme joue un rôle, bien sûr, mais l’essentiel reste la lutte pour le pouvoir à l’intérieur de l’Eglise. »

Ses dirigeants, sous l’influence du pape Théodore II, ont adopté plusieurs mesures après le meurtre : suspension de l’intégration de nouveaux moines pour un an, renforcement des contrôles financiers et interdiction pour les nouveaux clercs de s’exprimer sur les réseaux sociaux. Théodore II lui-même a supprimé son compte Facebook.

Selon Jawal Assad, un penseur copte connu, le meurtre est un avertissement pour les responsables de l’Eglise, qui devraient engager des réformes et faire cesser les querelles. « Durant les funérailles de l’évêque, le pape Théodore II a rappelé aux moines qu’ils ne devaient pas obéir à telle ou telle personne et qu’ils étaient avant tout membres d’un monastère », explique-t-il.

Ce drame est le dernier en date à frapper les coptes d’Egypte, cibles surtout d’attaques d’organisations extrémistes. Comme d’autres minorités en Egypte, les représentants coptes ont affiché leur soutien à Abdel Fattah Al-Sissi, qui a évincé le président islamiste Mohamed Morsi en 2013, alors qu’il était chef de l’armée.

« La vie ici est plus difficile pour les chrétiens », affirme à l’AFP Peter Fangary, un comptable de 30 ans exprimant l’espoir de quitter l’Egypte un jour, en partie à cause des pressions liées à sa religion. A propos du meurtre, il dit : « Satan peut écarter n’importe qui du droit chemin. Il est capable de pousser au meurtre. »