Donald Trump lors d’un meeting politique en Virginie-Occidentale, le 21 août 2018. / SPENCER PLATT / AFP

Deux proches du président américain, Michael Cohen et Paul Manafort, tous deux visés par des enquêtes judiciaires, ont été, mardi 21 août, au centre de rebondissements qui ébranlent la Maison Blanche.

  • Qui sont Michael Cohen et Paul Manafort ?

Les deux hommes font partie du premier cercle de Donald Trump. Michael Cohen est son ancien avocat, à une époque où le président, magnat de l’immobilier, n’était pas encore impliqué en politique. Il avait déclaré par le passé « être prêt à prendre une balle » pour l’homme d’affaires. Mais fin juillet, l’avocat a fait savoir qu’il ne voulait plus jouer « les punching balls ».

Paul Manafort a été le directeur de campagne de Trump de mai à août 2016. Avant cette collaboration, ils se connaissaient depuis des décennies. « Donald Trump et moi faisions des affaires dans les années 1980, mais nous n’avions pas de relation personnelle avant que l’équipe de campagne de Trump me contacte », avait déclaré Paul Manafort en avril 2017.

  • Que s’est-il passé mardi 21 août ?

Paul Manafort a été reconnu coupable, mardi, de huit chefs d’accusation sur dix-huit, pour fraude fiscale, fraude bancaire et dissimulation d’un compte à l’étranger, après quatre jours de délibéré. Le jury n’est cependant pas parvenu à se mettre d’accord sur les autres chefs d’accusation.

C’est en enquêtant sur l’ingérence russe lors de la présidentielle que le procureur Robert Mueller s’est intéressé aux activités de Paul Manafort. Les faits qui lui sont reprochés − dans un acte d’accusation d’une trentaine de pages − sont antérieurs à ses activités dans l’équipe de campagne de Donald Trump. Il est notamment accusé de ne pas avoir déclaré des activités de lobbyiste en faveur de l’ancien président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch, d’avoir caché sa fortune à l’étranger et d’avoir blanchi de l’argent en provenance d’Europe de l’Est.

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Michael Cohen a, lui, plaidé coupable de huit chefs d’accusation pour fraude fiscale, fraude bancaire et violation des lois sur le financement des campagnes électorales. Il a surtout, sous serment, directement impliqué le président des Etats-Unis lors d’une audience au tribunal fédéral de Manhattan. Il a en effet déclaré avoir payé deux femmes qui affirmaient avoir eu une liaison avec Donald Trump, « à la demande du candidat » et dans « l’intention d’influencer l’élection », ce qui constitue un délit.

  • Quelles peines encourent-ils ?

Paul Manafort, qui n’a pas encore été fixé sur sa sentence à l’issue du jugement de mardi, encourt jusqu’à trente ans de prison. La date de l’annonce de sa peine n’a pas été précisée. Il pourrait, d’ici là, décider de collaborer avec la justice afin de la réduire.

D’autant plus que Paul Manafort devra également faire face à un deuxième procès, le mois prochain à Washington, concernant d’autres chefs d’accusation, notamment obstruction à la justice, défaut d’enregistrement comme agent étranger et complot en vue de blanchir de l’argent.

Michael Cohen, lui, se verra notifier sa peine le 12 décembre. Il encourt jusqu’à soixante-cinq ans de prison, mais le fait d’avoir plaidé coupable lui assure une peine moins lourde.

Dans les deux cas, Donald Trump a légalement le pouvoir de les gracier. Cette possibilité avait été explorée, concernant Paul Manafort, par un avocat du président, selon le New York Times. Mais une telle décision augmenterait le risque, pour Donald Trump, d’être poursuivi pour obstruction à la justice. Un abus de son pouvoir de grâce pourrait également constituer une base pour une procédure d’« impeachment ».

  • Pourquoi ces affaires inquiètent-elles la Maison Blanche ?

La condamnation de Paul Manafort est une victoire pour Robert Mueller, le procureur chargé de l’enquête sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, qui subit des attaques et des tentatives de discréditation de la part de Donald Trump depuis des mois.

Autre motif d’inquiétude : M. Manafort pourrait être convaincu de collaborer avec la justice pour alléger sa peine. Or, il est en première ligne dans cette affaire puisqu’il avait été écarté de l’équipe de campagne en août 2016, après que la presse eut révélé ses liens compromettant avec Viktor Ianoukovitch.

Selon CBS News, Michael Cohen a, lui, fait savoir qu’il était prêt à témoigner devant Robert Mueller que Donald Trump était bien au courant de la réunion entre son fils et une avocate russe, en juin 2016, dans la Trump Tower. Or le président américain a toujours affirmé ne pas avoir été mis au courant de cette réunion.

Par ailleurs, selon le New York Times, des soutiens de Donald Trump admettent en privé que ces revers judiciaires sont susceptibles de fissurer la majorité républicaine et ainsi d’exposer Donald Trump à une tentative d’« impeachment ».

Ce risque reste toutefois pour le moment limité, les républicains étant majoritaires dans les deux chambres. Un atout que Donald Trump pourrait cependant perdre en novembre, après les élections de mi-mandat qui vont renouveler l’intégralité de la chambre des représentants et un tiers du sénat.

  • Donald Trump peut-il être inculpé ?

Si Robert Mueller obtient des preuves impliquant directement le président des Etats-Unis, il pourrait demander à un grand jury de l’inculper, avec l’autorisation de Rod J. Rosenstein, sous-procureur général des Etats-Unis.

Une situation peu probable : les services de Robert Mueller ont d’ores et déjà annoncé aux avocats du président qu’ils suivraient le point de vue du ministère de la justice, estimant que la constitution empêche la poursuite d’un président en exercice.

  • Comment a réagi Donald Trump ?

En déplacement en Virginie-Occidentale à l’occasion d’un meeting, Donald Trump s’est dit, mardi, « très triste » de la condamnation de Paul Manafort, estimant qu’il s’agit d’« un homme bien ». Il a néanmoins cherché à prendre de la distance avec ce jugement qui ne le « concerne pas ». Le lendemain, il a également évoqué l’affaire sur Twitter : « Je suis très triste pour Paul Manafort et sa merveilleuse famille. La “justice” a utilisé une affaire fiscale vieille de douze ans pour faire pression sur lui et, contrairement à Michael Cohen, il a refusé d’inventer des histoires pour faire un deal. Tellement de respect pour un homme courageux ! » « Un grand nombre de chefs d’accusation, dix, n’ont même pas pu être tranché dans l’affaire de Paul Manafort, a-t-il ajouté. Chasse aux sorcières ! »

Quant aux accusations de son ancien avocat Michael Cohen, il les a commentées mercredi d’un message caustique sur le réseau social : « Si vous cherchez un bon avocat, je vous recommande vivement de ne pas faire appel à Michael Cohen ! »