Plusieurs responsables des SAMU relativisent les chiffres alarmants publiés jeudi 23 août par le magazine Le Point, qui affirme que plus de 15 % des appels passés aux services d’urgences médicales n’obtiennent aucune réponse. Exploitant des statistiques publiées par le ministère de la santé, l’hebdomadaire dévoile que 4,6 millions d’appels téléphoniques passés en 2016 sur un total de 29,1 millions n’ont pas été décrochés.

Une grande disparité géographique est mise en évidence. Certains services affichent un taux brut d’appels décrochés de 100 %, comme Auxerre, Verdun (Meuse), Mende, Tours, Nice, ou Annecy. En queue du classement, deux SAMU situés dans les DOM (Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe et Fort-de-France, en Martinique), Perpignan, Laon, Garches (Hauts-de-Seine), Bobigny et Paris. Dans la capitale, 49,8 % des appels seulement sont décrochés, selon le magazine. Après l’affaire Naomi Musenga, décédée le 29 décembre 2017 après un refus de prise en charge, inadapté et irrespectueux du SAMU de Strasbourg, ces chiffres remettent de nouveau en cause leur efficacité.

Erreurs et faux numéros

Ils font cependant bondir les responsables de ces services. « Dans cette masse d’appels [non décrochés], il y a certainement des personnes qui n’arrivent pas à joindre le SAMU mais il y a aussi tous les appels de poche, toutes les erreurs, toutes les fausses numérotations, a affirmé jeudi sur RTL François Braun, président de SAMU-Urgences de France. Il n’y a pas 4,6 millions de patients qui n’arrivent pas à joindre le SAMU, ce serait un scandale sanitaire qui n’aurait pas attendu des années pour sortir. »

Les données publiées par Le Point sont également contestées par Pierre Carli, chef de service du SAMU de Paris et président du Conseil national des urgences hospitalières. « Quand on enlève les appels interrompus au bout de quinze secondes, qui sont soit des erreurs, soit passés par des robots, des faxs, etc., le taux de réponse monte à 76 % d’appels décrochés à Paris, et le temps moyen de réponse est de quarante-huit secondes, affirme ce dernier. Ce qui ne veut pas dire que le système ne doit pas être amélioré. »

Qu’advient-il des personnes qui cherchent véritablement à joindre le SAMU sans y parvenir ? « Elles peuvent raccrocher et rappeler, appeler plusieurs services d’urgence en même temps, poursuit M. Carli. Il n’y a en tout cas pas d’impact sanitaire. Je n’ai pas entendu parler de mort suspecte d’individus après un défaut de prise en charge à Paris en 2016. »

« Manque de moyens »

Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France et l’un des responsables de la CGT-Santé estime, au contraire, que le constat du Point est « juste ». « Cela fait des années que nous dénonçons un manque de moyens pour faire face à une activité en augmentation constante », souligne-t-il.

L’amélioration du service passe, en outre, par une « réorganisation du système », selon M. Prudhomme, en particulier une mutualisation entre le 15 et le 18. L’idée d’un numéro d’appel commun à toutes les urgences fait partie des pistes étudiées par le gouvernement, qui à la suite de la révélation de l’affaire Musenga a promis une réforme, mais elle suscite des réticences. « Le 15 est une machine qui permet de joindre un médecin vingt-quatre heures sur vingt-quatre et d’éviter d’aller aux urgences si ce n’est pas nécessaire, plaide M. Carli. Sa suppression ne serait pas forcément une bonne affaire. » Un numéro unique consacré aux seules urgences médicales est une piste alternative. La solution retenue devrait être annoncée en septembre.

Le ministère de la santé estime, de son côté, que l’enquête du Point met en évidence « une réalité, qui n’est pas forcément une généralité », à laquelle le travail d’amélioration lancé après l’affaire Musenga devra répondre. « Les professionnels ont fait des propositions qui doivent désormais être mises en œuvre dans trois domaines : la formation des personnels, l’harmonisation des pratiques sur le territoire, et le contrôle qualité, ce qui inclut l’amélioration du taux d’appels décrochés », affirme-t-on au ministère.