Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, après l’attaque de Trappes (Yvelines), le 23 août 2018. / Michel Euler / AP

Drame familial et triste fait divers, ou attentat terroriste ? Les motivations de Kamel S. restaient encore floues, vendredi 24 août. Cet homme de 36 ans, armé d’un couteau, a tué sa mère et sa sœur, à Trappes (Yvelines), jeudi 23 août en début de matinée, puis grièvement blessé une sexagénaire, habitante du quartier, avant d’être tué à son tour par des policiers qui tentaient de l’interpeller.

Les raisons de l’attaque, le profil de l’assaillant et sa dimension terroriste ou non devraient figurer au cœur de l’enquête ouverte par le parquet de Versailles pour « assassinat, tentative d’assassinat et menaces de mort sur personnes dépositaires de l’autorité publique ». A ce stade, alors que le mobile reste incertain, le parquet antiterroriste ne s’est pas saisi de l’affaire.

Avant d’être tué, Kamel S. a crié aux forces de l’ordre : « Allahou Akbar, si vous rentrez, je vous fume. » Les policiers ont utilisé leur arme de service après avoir tenté de maîtriser l’homme avec des pistolets à impulsion électrique. Fiché « S » pour radicalisation religieuse, cet ancien chauffeur de bus avait fait l’objet d’une procédure pour apologie du terrorisme, classée sans suite en 2016. Il connaissait des problèmes psychiatriques et familiaux. « Le profil de l’assaillant est plus celui d’un déséquilibré aux antécédents psychiatriques que celui d’un engagé répondant aux ordres d’une organisation terroriste », a déclaré le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, venu au commissariat de Trappes, jeudi.

Image peu flatteuse

L’organisation Etat islamique (EI) a néanmoins très rapidement revendiqué l’attaque, par le biais de son organe de propagande Aamaq, quelques dizaines de minutes seulement après la médiatisation de l’affaire. Mais la rapidité de cette revendication, s’ajoutant au profil de l’assaillant et au lien familial qui l’unit à deux des victimes, interpellent les experts du mouvement djihadiste. Ces derniers mois, l’organisation terroriste a attribué de façon opportuniste plusieurs tueries à ses « soldats », dont celle de Manille en juin 2017 ou celle de Las Vegas en octobre 2017, sans que les enquêteurs parviennent à établir de réels liens entre les auteurs des attaques et l’EI. Mercredi 22 août, un message audio attribué à Abou Bakr Al-Baghdadi avait été diffusé sur la messagerie instantanée Telegram, dans lequel le chef de l’EI appelait à poursuivre le djihad.

Malgré la prudence des autorités judiciaires et du gouvernement concernant l’attaque de Trappes, les réactions politiques n’ont pas tardé. Seulement deux heures après les faits, la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a critiqué, sur Twitter, un « gouvernement qui persiste à minimiser le terrorisme islamiste et refuse de prendre les mesures pour éradiquer cette idéologie meurtrière ». Deux conseillers départementaux Les Républicains des Yvelines ont rappelé dans un communiqué qu’ils continuaient de « tirer la sonnette d’alarme sur la menace de la radicalisation islamiste à Trappes ». Cette commune de 32 000 habitants, minée par les difficultés économiques et sociales, souffre d’une image peu flatteuse, alors que plusieurs dizaines de ses habitants ont rejoint les rangs de l’EI au cours des dernières années. Une seconde enquête a été confiée à l’Inspection générale de la police nationale afin de « vérifier la régularité de l’ouverture du feu » par les policiers, a indiqué le parquet de Versailles.