Depuis le territoire congolais, un homme regarde la fumée s’échapper du village de Mobaye, en Centrafrique, après l’attaque d’une milice, en septembre 2017. / JOHN WESSELS / AFP

« Le dialogue politique ne doit pas absoudre les criminels de guerre. » A première vue, le ton du communiqué commun diffusé vendredi 24 août par Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue centrafricaine des droits de l’homme et l’Observatoire centrafricain des droits de l’homme (OCDH) ne dévie pas de la ligne définie lors des consultations populaires du forum de Bangui, en 2015 : « zéro impunité » pour les crimes commis depuis le début des violences en Centrafrique en 2012.

Mais cette position ne serait-elle pas en train de s’infléchir ? Alors que quatorze groupes rebelles doivent se rencontrer à Bouar, du 27 au 29 août, pour présenter leurs revendications communes aux médiateurs de l’Union africaine (UA), la FIDH et deux organisations centrafricaines de défense des droits humains proposent que les membres des groupes armés qui n’auraient commis que des délits mineurs puissent échapper à la justice. Une amnistie partielle qui ne dit pas son nom.

« Compte tenu du nombre de personnes impliquées dans les conflits, l’idée serait de séparer ceux qui ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes graves, de ceux qui n’ont pas pris part aux exactions », explique Pierre Brunisso, coordinateur de projet pour la FIDH à Bangui. Le choix des personnes pouvant bénéficier d’une telle décision relève, selon lui, de la justice. « Mais attention, insiste-t-il, il n’est absolument pas question d’octroyer une quelconque amnistie à ceux, responsables ou complices, qui ont été impliqués dans des crimes graves. »

Proposer une porte de sortie

Cette proposition permettrait, selon Pierre Brunisso, de relancer la médiation menée par un panel de diplomates africains. « Les discussions en cours entre l’UA et les groupes rebelles sont dans une impasse. Notre proposition rentre dans ce qui est énoncé dans la feuille de route de l’UA. Mais la justice doit demeurer la règle. Le dialogue politique ne peut se faire au détriment de ceux qui ont tout perdu dans ces conflits. »

Les groupes rebelles font d’une amnistie généralisée une condition non négociable pour la poursuite du dialogue. Mais les autorités, appuyées par la communauté internationale, ont toujours refusé ce prérequis à une cessation des hostilités qui ravagent le pays depuis 2012. Et une Cour pénale spéciale a même été créée pour juger les crimes commis depuis 2003.

La proposition des ONG peut donc apparaître comme une main tendue aux groupes armés, mais elle pourrait aussi placer leurs chefs en porte-à-faux par rapport à leur base. Difficile en effet de s’accrocher à une position radicale si une porte de sortie est proposée à plusieurs centaines de membres de leurs groupes. « Il s’agit pour nous de lancer un appel à ces personnes, insiste Mathias Morouba, président de l’OCDH. Lorsqu’elles se sont engagées au sein de ces groupes, elles l’ont fait individuellement. Si un leader s’engage sur un terrain glissant, elles ne sont pas tenues de le suivre. Il ne faut pas qu’elles aient peur de venir s’expliquer. »

Et de rappeler qu’il existe « un grand nombre de mécanismes qui peuvent les aider à se réinsérer, comme la Commission vérité, justice et réconciliation. On peut aussi imaginer dans certains cas une forme de travail d’intérêt général. » De quoi inquiéter des chefs rebelles qui pourraient alors être confrontés à la défection d’une partie de leurs troupes.