Beto O’Rourke, lors d’une prise de parole à Horseshoe Bay, au Texas, le 16 août. / Chris Covatta / AFP

Le samedi 26 août marquera les deux ans de la naissance d’un nouveau symbole dans la lutte pour les droits de la communauté noire américaine. En refusant de se lever pour l’hymne national avant le début d’une rencontre de football américain, le joueur Colin Kaepernick a relancé en 2016 un mouvement de dénonciation des violences policières – et attisé la colère de Donald Trump, fréquemment excédé par ce qu’il considère être un « manque de respect au drapeau américain ».

Sur le terrain, la question continue de faire débat. Depuis le mois de mai, la fédération de football américain (NFL) interdit aux joueurs de s’agenouiller, mais leur laisse la possibilité de rester dans les vestiaires le temps du Star Spangled Banner.

Le sujet vient de ressurgir à l’occasion des campagnes pour les élections de mi-mandat, qui doivent renouveler une partie du Sénat américain au mois de novembre. Le point de vue exprimé, le 21 août, par le candidat démocrate au poste de sénateur du Texas, Beto O’Rourke, a cumulé en deux jours plus de 15 millions de vues sur une vidéo publiée sur Twitter par le média américain NowThis.

Dans une réponse de plus de quatre minutes à un électeur qui lui demande s’il trouve le geste des joueurs de la NFL « irrespectueux », l’actuel membre de la Chambre des représentants de la circonscription d’El Paso, à la frontière mexicaine, répond qu’il n’y a selon lui « rien de plus américain » que de protester de cette manière.

« Sans violence, pacifiquement, alors que tous les regards dans ce pays sont tournés vers ces matchs, ils s’agenouillent pour attirer notre attention sur ce problème et pour s’assurer qu’on y trouve une solution. Voilà pourquoi ils le font, et je ne peux penser à rien de plus américain que de se lever, ou de s’agenouiller pacifiquement, pour vos droits, partout et à n’importe quel moment. »

Plus que les talents d’orateur de Beto O’Rourke – et l’expression d’un point de vue fréquemment relayé côté démocrate –, c’est la manière dont l’adversaire de l’ultraconservateur Ted Cruz pose les termes du débat qui explique le succès de son intervention. « Des personnes raisonnables peuvent être en désaccord sur ce sujet, et ça ne fait pas d’eux des gens moins américains », explique l’élu de 45 ans, qui a pris soin de souligner à plusieurs reprises le « service à la nation américaine » rendu par les militaires et les vétérans, tout en mettant en avant les protestations pacifiques dans la lutte pour les droits civiques.

Colin Kaepernick (à droite) a été le premier joueur de football américain à refuser de se lever pendant l’hymne national américain, au sein de l’équipe de San Francisco. / Michael Zagaris / AFP

Beto O’Rourke fait référence aux combats de Martin Luther King, Rosa Park et John Lewis, à la résistance passive des quatre étudiants du « Woolworth’s Lunch Counter », qui se sont assis dans la section réservée aux blancs dans un restaurant, et aux « Freedom Riders », qui ont fait de même dans les autobus, pour les lier aux protestations des footballeurs et intégrer les violences policières actuelles à l’évolution du mythe américain. Il cite également le livre de Taylor Branch – America in the King Years, une trilogie (non traduite) sur l’histoire du mouvement des droits civiques noir américain –, une référence en la matière aux Etats-Unis.

Convaincu par l’habileté du discours, le basketteur Lebron James a relayé la vidéo, comme l’ancien footballeur américain Kurt Warner, qui souligne la capacité du démocrate à ne pas diviser les deux camps en expliquant son point de vue. Steve Kerr, l’entraîneur de l’équipe de basket des Golden State Warriors de San Francisco, y voit lui « un coup d’œil sur le futur », espérant que « les choses vont s’arranger » en la matière. Sur le terrain, et en dehors.