Les Dragons catalans de Perpignan se sont frayé un chemin en « une » du Midi olympique, le journal du rugby, et c’est dire la portée de leur exploit. D’ordinaire écrasés sous le poids du rugby à XV, les meilleurs joueurs français de rugby à XIII ont fait parler d’eux, samedi 25 août, pour leur victoire en finale de la Coupe… d’Angleterre, face à Warrington (20-14), dans le stade gigantesque de Wembley.

Leur meilleure performance depuis leurs débuts outre-Manche, il y a douze ans, sur invitation. Et une belle lueur d’espoir, selon l’Anglais Mike Rylance, auteur d’un livre référence sur l’histoire tourmentée du rugby à XIII en France (Le rugby interdit, 2006), ancien responsable de l’hebdomadaire anglais League Express… et ancien professeur de français au lycée de Wakefield, en Angleterre.

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Que représente la victoire des Dragons, dans l’histoire du rugby à XIII en France ?

Mike Rylance : Il s’agit peut-être de la plus grande réussite d’un club français dans l’histoire du rugby à XIII, si je peux me permettre. Une victoire emblématique. Gagner la Coupe d’Angleterre représente un exploit énorme, immense, quelque chose de vraiment significatif. Pour la première fois depuis sa création [1896], la « Cup » va donc à un club hors d’Angleterre.

Je voudrais quand même ajouter que ce n’est pas la première fois qu’une équipe de rugby française gagne à Wembley. La première fois, c’était l’équipe de France de rugby à XIII, lors d’un test-match en 1949. Mais bon, il est toujours difficile de comparer le succès d’un club aux succès d’une équipe nationale.

Essayons tout de même.

La France a aussi déjà fini deux fois en finale de la Coupe du monde, en 1954 et en 1968. Après la première finale perdue, certains disaient que si l’équipe de France avait gagné, elle aurait donné une grande impulsion à ce sport en France. A la fin de la seconde guerre mondiale [et la spoliation du XIII sous le régime de Vichy], les treizistes français partaient de rien : ils jouaient avec la volonté de montrer que leur sport existait encore, si ce n’est avec un esprit de revanche.

Quels effets pourrait maintenant avoir le titre des Dragons ?

J’aimerais bien le savoir, moi aussi ! Déjà, le fait que nous nous parlions prouve que les médias « parisiens » commencent à s’intéresser. Est-ce que cela va durer ? Tout dépend si les Dragons peuvent rivaliser à long terme avec les clubs anglais.

Supporteurs des Dragons catalans lors d’un match de Super League, en juin 2009, à Barcelone. / JOSEP LAGO / AFP

Les deux meilleurs clubs français jouent aujourd’hui en championnat d’Angleterre, Perpignan en première division, Toulouse, en seconde. Est-ce un avantage pour la France ?

En 2006, j’étais favorable à l’entrée des Dragons en Super League. C’était un moyen de professionnaliser au moins un club français. Pour Toulouse, en 2016, j’étais plus réservé au départ. Le club venait de gagner le championnat de France et son départ vers l’Angleterre a encore diminué le niveau du championnat français...

Comment expliquer la présence de ces deux clubs français en Angleterre ?

Au moment où la Super League a été créée, en 1996, les dirigeants de la Rugby League avaient une grosse ambition : donner une image européenne à la Super League. Le Paris-Saint-Germain avait alors été intégré, mais l’expérience n’a pas duré. Dans l’immédiat, je pense que l’intérêt n’est pas forcément financier : peu de spectateurs français vont régulièrement en Angleterre pour les matchs, et il n’y en a pas eu non plus beaucoup à Wembley pour la Coupe d’Angleterre.

En invitant une équipe française, il y a aussi et surtout la volonté d’étendre le rugby à XIII à d’autres pays. C’est dans l’intérêt international de tout le monde d’avoir une équipe de France forte, capable de rivaliser avec l’Australie, l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande, comme par le passé. Bien sûr, aujourd’hui encore, les résultats de l’équipe de France restent décevants. Mais on peut se demander ce qu’il en serait sans les Dragons.

A Wembley, la victoire des Dragons a été bien accueillie : dans le stade, à part ceux de Warrington, les spectateurs anglais encourageaient plutôt les Dragons. Il faut aussi ajouter que si Toronto monte en première division, le championnat d’Angleterre pourrait bientôt compter des clubs de trois nationalités : anglaise, française et canadienne ! Mais je me demande si le Brexit permettra, à l’avenir, d’inviter aussi facilement de nouveaux clubs français…

A terme, peut-on imaginer un retour des Dragons dans le championnat de France ?

Cela reste possible, mais pas dans un avenir immédiat. Aujourd’hui, à part l’équipe des Dragons et le club de Toulouse, les autres clubs français sont, au mieux, de niveau semi-professionnel. Ils n’ont pas les mêmes structures. En réalité, la plupart de leurs joueurs sont surtout amateurs et touchent des primes de match.

Il faudrait d’abord beaucoup d’argent pour professionnaliser le championnat de France. La plupart des autres clubs se trouvent dans le Sud-Ouest et, vu le contexte économique, il semble difficile pour eux de mettre en place des équipes pros.