« C’est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment ou un autre poser ce problème sur la table parce que c’est un problème de démocratie : qui a le pouvoir ? », a dit Nicolas Hulot, le 28 août, sur France Inter. / Stephane Mahe / REUTERS

Nicolas Hulot a dénoncé, mardi 28 août, sur France Inter la « présence des lobbys dans les cercles du pouvoir », illustrée par celle du conseiller politique des chasseurs Thierry Coste lors d’une réunion importante lundi soir à l’Elysée, qui a « achevé » de le convaincre de quitter le gouvernement. Selon Thomas Legrand, éditorialiste politique de France Inter, il « avait décidé de démissionner et de l’annoncer dans quelque temps. (…) Mais en rentrant dans le studio, il a visiblement changé d’avis. »

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Un « putain de dilemme »

Lundi après-midi, Emmanuel Macron avait, en effet, organisé une deuxième réunion de haut niveau sur la chasse en six mois, avec le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) Willy Schraen, Nicolas Hulot et son secrétaire d’Etat Sébastien Lecornu qui pilote la réforme.

Or, à sa grande surprise, Nicolas Hulot a « découvert la présence d’un lobbyiste qui n’était pas invité à cette réunion », raconte l’ex-ministre sur France Inter, faisant référence à Thierry Coste, conseiller politique de la FNC. « [Je lui] ai dit frontalement qu’il n’avait rien à faire là. »

« Ça va paraître anecdotique, mais pour moi, c’était symptomatique et c’est probablement un élément qui a achevé de me convaincre que ça ne fonctionne pas comme ça devrait fonctionner », a-t-il ajouté. « C’est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment ou à un autre poser ce problème sur la table parce que c’est un problème de démocratie : qui a le pouvoir, qui gouverne ? »

Outre ses fonctions à la FNC, Thierry Coste conseille, en effet, régulièrement Emmanuel Macron sur les dossiers cygénétiques, et plus largement sur les questions de ruralité. Il était également proche de Nicolas Sarkozy en 2007 et de François Hollande en 2012.

Mais cette présence des lobbys est également l’une des raisons qui l’a fait rester jusqu’à présent, craignant que « ça soit pire » après sa démission, comme il s’en était ouvert à Libération le 2 août :

« Je suis dans un putain de dilemme. Mon problème est très simple : soit je m’en vais et ce sera bien pire, soit je reste et il n’y aura pas le grand soir. (…) Si je m’en vais, il va y avoir trois EPR de plus dans les prochaines années. »

Un « moment de vérité politique »

L’éditorialiste politique de France Inter, Thomas Legrand, est revenu sur BFM-TV sur le moment où Nicolas Hulot a pris sa décision soudaine d’annoncer sa démission :

« On l’a invité hier soir et il a accepté. Ce matin, on a pris un café avec lui, avec Léa Salamé [journaliste de France Inter]. (…) On avait bien compris qu’il voulait pousser un coup de gueule [après la réunion d’hier]. »

Et de décrire la scène :

« Il avait prévenu Emmanuel Macron : “je ne veux pas voir de lobbyiste à ce genre de réunion.” Et quand il l’a vu, il était furieux. Il s’en est entretenu avec Macron juste après qui lui a dit : “Je ne sais pas comment ce monsieur est rentré.” Là, il a eu le sentiment qu’on se foutait un petit peu de lui. »

« Accumulation de déceptions »

Nicolas Hulot a, toutefois, assuré que sa décision de démissionner n’avait pas été provoquée par cette réunion sur une réforme qui « peut être importante pour les chasseurs, mais surtout pour la biodiversité ». « C’est une accumulation de déceptions, mais c’est surtout parce que je n’y crois plus », a-t-il déclaré.

La réforme de la chasse est en effet plutôt à l’avantage des chasseurs, qui ont notamment obtenu du président Macron (qui a plusieurs fois exprimé son soutien à la pratique de la chasse) une baisse du permis national de chasse de 400 à 200 euros. Une revendication ancienne.

La possibilité de sa démission avait, cependant, été sous-entendue à de nombreuses reprises depuis sa nomination pour la première fois ministre en mai 2017. Nicolas Hulot avait, en effet, dû accepter bien des décisions contraires à ses convictions, au-delà de certaines victoires symboliques comme l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la fin de la production d’hydrocarbures en France ou sur l’interdiction progressive de l’utilisation du glyphosate dans l’agriculture. Il avait également dû endosser le report de l’objectif consistant à ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % en 2025, ou l’entrée en vigueur provisoire de l’accord de libre-échange UE-Canada (CETA).

Nicolas Hulot annonce sa démission du gouvernement
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