Le président français, Emmanuel Macron, lors d’une réunion avec les partenaires sociaux à l’Elysée, le 17 juillet 2018. / JEAN-FRANCOIS BADIAS / AFP

C’est Philippe Martinez qui ouvre la marche, mercredi 29 août. Le secrétaire général de la CGT est le premier à être reçu à Matignon par le premier ministre, Edouard Philippe, accompagné pour l’occasion de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et de sa collègue des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Suivront, jusqu’au 4 septembre, Philippe Louis (CFTC), Pascal Pavageau (FO), François Homméril (CFE-CGC), Laurent Berger (CFDT), Eric Beynel (Solidaires), Geoffroy Roux de Bézieux (Medef), François Asselin (CPME), Alain Griset (U2P) et Christiane Lambert (FNSEA).

Ces entretiens s’inscrivent dans la suite de la réunion qui s’est tenue à l’Elysée le 17 juillet et qui a rassemblé les principaux leaders syndicaux et patronaux. Une rencontre à la configuration inédite depuis le début du quinquennat qui signait un changement de méthode pour le président de la République, accusé jusqu’à présent de prendre pour quantité négligeable les corps intermédiaires.

Dans un courrier daté du 25 août, dévoilé par Le Journal du dimanche et que Le Monde s’est procuré, le premier ministre a exposé les priorités qu’il souhaitait voir abordées. En premier lieu, « la remise à plat » du régime d’assurance-chômage. Dans son discours devant le congrès, début juillet, Emmanuel Macron avait surpris en annonçant vouloir que les partenaires sociaux renégocient une nouvelle convention Unédic. L’idée est qu’après une « phase de diagnostic partagé » le gouvernement adresse une lettre de cadrage aux organisations syndicales et patronales, qui auront jusqu’à début 2019, février au plus tard, pour tenter de se mettre d’accord.

La question du bonus-malus qui vise à pénaliser les entreprises qui abusent de contrats courts sera discutée. Ce dispositif déplaît au patronat, mais le gouvernement a prévenu qu’il le mettrait en œuvre si aucune solution n’est trouvée. Les partenaires sociaux devront aussi travailler sur les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi en activité réduite, qui permettent de cumuler une allocation en complément d’un petit salaire, et sur une nouvelle allocation pour les chômeurs de longue durée. La dégressivité des allocations-chômage des cadres proposée par le député (LRM) Aurélien Taché sera aussi au programme. « Nous n’aurons ni tabous ni présupposés », a assuré le premier ministre au JDD, dimanche 26 août. M. Philippe souhaite « un système financièrement équilibré, qui garantisse la justice ­sociale et favorise le retour à l’emploi ».

« Empilement de sujets »

Autre thématique que le chef du gouvernement entend voir traiter : celle de la santé au travail, qui pourrait faire l’objet d’une négociation interprofessionnelle, après la remise d’un rapport parlementaire sur le sujet mardi. Egalement au menu, l’organisation du système d’indemnisation d’arrêt-maladie, jugé « coûteux, inéquitable et déresponsabilisant » par Edouard Philippe. Si ce dernier a annoncé écarter « l’hypothèse d’une mesure brutale de transfert vers les entreprises » du financement des arrêts de courte durée comme envisagé cet été, il entend que cette problématique soit réglée. « En trois ans, le nombre de journées indemnisées est passé de 11 à 12 par an et par salarié du privé, a-t-il déclaré. C’est comme si notre pays avait instauré un jour de congé supplémentaire ! »

Mais, après les annonces budgétaires dévoilées dimanche, il est peu probable que les partenaires sociaux se limitent à cet ordre du jour. Le choix de ne revaloriser que très faiblement les pensions de retraite, allocations familiales et APL en a hérissé plus d’un. A la CFDT, on indique aller à ce rendez-vous « en revendiquant une politique sociale claire faite de choix de solidarité et pas d’un empilement de sujets ayant une logique budgétaire » : « Il faut que ce gouvernement dise clairement quelle est sa vision du modèle social et de la société qu’il entend construire. » Sur Twitter, dimanche, Pascal Pavageau, le secrétaire général de Force ouvrière, n’a pas mâché ses mots. « Après une année dédiée aux cadeaux pour les “premiers de cordée”, sous prétexte du budget 2019, le gouvernement poursuit sans états d’âme la destruction de notre modèle social et s’attaque maintenant frontalement à la capacité de survie des “derniers de corvée”. Honteux… », a-t-il réagi.

L’état d’esprit de la CGT n’est guère plus positif. « Quand on lit la lettre d’Edouard Philippe, on voit bien qu’il n’y a rien qui change : ce n’est pas un agenda social à bâtir, mais des injonctions et des directives du premier ministre », déplore Fabrice Angei, de la direction confédérale. Quant à François Homméril, le président de la CFE-CGC, il se dit « en colère » à la suite du choix de mettre en débat la dégressivité des allocations chômage des cadres – son cœur de cible. Du côté patronal, le nouveau président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a précisé lundi se rendre à cette rencontre avec un « esprit assez ouvert », mais avec une « ligne rouge » : « Le coût du travail ne doit pas augmenter. »