A la veille du dernier Grand Chelem de la saison, personne n’attendait grand-chose du tennis français masculin mal en point au début de la saison. Et puis lundi 27 août, pour le premier jour de l’US Open, le jeune Ugo Humbert, 20 ans et 700e il y a un an, s’est qualifié pour le deuxième tour. Pas encore de quoi (ou de nouveau) crier au successeur de Yannick Noah, mais comme les bonnes nouvelles sont aussi rares que les tournois remportés ces derniers mois, l’éclosion surprise du Messin se savoure.

Ces derniers jours, le seul représentant tricolore à faire couler de l’encre jusque dans la presse étrangère a été le premier d’entre eux. A savoir, le président de la Fédération française de tennis, Bernard Giudicelli, bien mal inspiré en critiquant dans un entretien à Tennis Magazine la combinaison de Serena Williams lors du dernier Roland-Garros.

Pour rester dans le textile, les tennismen français ont, eux, surtout pris des vestes depuis janvier. Le bilan est proche du néant. Aucune quart de finale lors des trois premiers tournois du Grand Chelem de la saison : le tennis tricolore n’avait plus connu pareille disette depuis dix-huit ans. Et seuls trois d’entre eux ont atteint la deuxième semaine : Gaël Monfils, Adrian Mannarino et Gilles Simon (tous à Wimbledon). En Masters 1000, les résultats ne sont guère plus brillants. Des « Mousquetaires » inexorablement sur le déclin, une série noire pour le numéro un, Lucas Pouille – depuis janvier, il s’est incliné dès son entrée en lice pratiquement un tournoi sur deux –, et une relève qui stagne au moment où la concurrence étrangère, elle, s’illustre avec fracas sur le circuit : Denis Shapovalov (19 ans, 28e), Stefanos Tsitsipas (20 ans, 15e), Félix Augier-Aliassime (18 ans, 117e), Alex de Minaur (19 ans, 45e).

« Mélange d’Henri Leconte et Guy Forget »

Alors, dans ce contexte, la trajectoire d’Ugo Humbert aimante les regards. Le Lorrain est le seul Français à s’être extirpé des qualifications. Opposé à un autre qualifié, l’Américain Collin Altamirano, 22 ans, lundi pour son premier match en Grand Chelem, il a dominé son sujet avec sérieux (victoire 6-3, 7-6, 6-3). Humbert a été moins rapide à venir en conférence de presse pour raconter cette première réussie. Mais même après deux heures et demie de retard, la dizaine de journalistes français présents avaient patienté pour recueillir le témoignage d’un jeune homme intimidé. « Je m’étais donné comme objectif d’arriver à me qualifier dans les Grands Chelems d’ici à la fin de la saison. Je ne suis pas euphorique et plus heureux que ça, je suis juste fier de moi », résuma-t-il, joues écarlates et voix fluette.

Malgré quelques trous d’air et un service sur courant alternatif, il a régulièrement pris de vitesse son adversaire avec son puissant revers. Le tout sous un soleil cuisant et les encouragements du directeur technique national, Thierry Champion, d’Amélie Mauresmo, future capitaine de Coupe Davis, de Marion Bartoli et d’Henri Leconte. Ce qui ne l’a nullement impressionné. « J’étais serein. Mais je suis d’une nature calme. J’aime être dans ma bulle avec mes proches, ma famille et mon coach », explique le gaucher au physique encore frêle (71 kg pour 1,88 m), qui définit son jeu comme « agressif. Je m’appuie beaucoup sur mon service et après, je sais à peu près tout faire, même s’il y a encore des secteurs où je dois progresser comme au filet… ».

Ugo Humbert, « mélange d’Henri Leconte et Guy Forget » selon ses proches, réalise peut-être la plus belle saison du tennis français. Classé 378e en janvier, il pointait à la 139e place mondiale avant le début de l’US Open. Une ascension éclair qu’il doit en grande partie à un été prolifique : trois finales de Challenger (la deuxième division du circuit) pour une victoire, à Ségovie, en Espagne.

Prêt à franchir le « mur du cent » ?

Les observateurs du circuit n’ont pas tardé à conjecturer : et s’il était le prochain à franchir le « mur du cent » ? Pierre-Hugues Herbert est le dernier à avoir intégré le top 100, il y a deux ans. Depuis, les déceptions chez les espoirs s’accumulent. Quentin Halys s’en est approché (102e en février) mais il a reculé entre-temps. Tout comme Calvin Hémery (116e en avril). L’incursion semblait promise à Corentin Moutet, 112e à l’ATP et bénéficiaire d’une wild-card à New York, mais Humbert pourrait bien lui griller la politesse.

A la différence d’un Moutet, Humbert est longtemps passé hors des radars avant de décoller cette saison. « Je n’ai pas vraiment senti de déclic ces derniers temps, mais je me prends moins la tête qu’avant et j’ai progressé dans plein de secteurs, assure-t-il de son côté. Et c’est vrai qu’au début j’étais peut-être trop gentil sur le terrain, mon coach a essayé d’y remédier », concède-t-il. Cédric Raynaud, qui l’entraîne depuis quatre ans, d’abord à l’Insep au sein d’un groupe, a depuis deux ans mis en place un projet individualisé autour de lui. Raynaud avait dû insister auprès pour être détaché à plein temps auprès de son joueur. « J’ai dit au DTN de l’époque, Jean-Luc Cotard, ’c’est Ugo ou rien. Je crois en lui, je pense qu’il peut devenir très fort’», racontait-il à L’Equipe samedi.

Mercredi, au deuxième tour, son élève rencontrera le revenant Stan Wawrinka, tombeur de Grigor Dimitrov (tête de série numéro 8). Pour l’occasion, Ugo Humbert quittera l’anonymat des courts annexes pour l’un des trois courts principaux, électrisés par le public new-yorkais. « C’est un match qui va me faire progresser, c’est un joueur que je regardais jouer à la télé… » Le nouveau entend « jouer [sa] carte à fond » : « Il est comme moi, il a deux bras, deux jambes. » Et les deux pieds sur terre.