Wa Lone, 32 ans, et Kyaw Soe Oo, 28 ans, deux reporters birmans de l’agence de presse Reuters, ont été condamnés lundi 3 septembre à sept ans de prison. Les deux journalistes ont été reconnus coupables d’avoir enfreint la loi sur les secrets d’Etat, qui date de l’ère coloniale, lorsqu’ils se sont procuré des documents relatifs aux forces de sécurité birmanes.

Au moment de leur arrestation le 12 décembre, ils menaient une enquête sur l’assassinat de dix Rohingya, des musulmans apatrides, dans un village de l’Etat de l’Arakan, dans l’ouest de la Birmanie, au cours d’une opération de l’armée. Quelques jours après leur arrestation, l’armée a reconnu que des soldats et des villageois bouddhistes avaient tué de sang-froid des captifs rohingya le 2 septembre 2017, et sept militaires ont été condamnés à dix ans de prison pour ce massacre.

En détention préventive depuis le 12 décembre 2017, les deux journalistes risquaient une peine de quatorze ans de prison au terme de ce procès très controversé, dans un pays où l’indépendance de la justice est sujette à caution. « Le gouvernement peut bien nous emprisonner… mais ne fermez pas les yeux et les oreilles du peuple », a lancé Kyaw Soe Oo à la foule de journalistes présents devant le tribunal, avant d’être poussé à bord d’un fourgon, pour être conduit en prison.

Coup dur pour la liberté de la presse

Pour le président et rédacteur en chef de Reuters, Stephen J. Adler, c’est « un triste jour pour la Birmanie, les journalistes Wa Lone et Kyaw Soe Oo et la presse partout dans le monde ».

Cette condamnation est un coup dur pour la liberté de la presse, malmenée en Birmanie malgré les espoirs suscités par l’arrivée au pouvoir d’Aung San Suu Kyi en 2016. « Nous continuons à demander leur libération », a réagi Knut Ostby, le représentant de l’ONU en Birmanie, peu après l’énoncé du verdict.

Celui-ci intervient dans un contexte de grande tension entre la Birmanie et la communauté internationale : des enquêteurs de l’ONU ont publié un rapport évoquant un « génocide » des Rohingya et accusant directement l’armée, mais aussi le silence d’Aung San Suu Kyi, à la tête du gouvernement civil depuis 2016.

En 2017, plus de 700 000 Rohingya ont fui vers le Bangladesh, face aux violences commises par les forces armées birmanes et des milices bouddhistes, une répression aussi qualifiée par l’ONU de « nettoyage ethnique ».