Editorial du « Monde ». L’administration de Donald Trump a décidé de voler vers l’Orient compliqué avec des idées simplistes. Singulièrement lorsqu’il s’agit du conflit israélo-palestinien. Washington, qui prétendait autrefois à un rôle d’« honnête courtier », distingue désormais un vainqueur qu’il convient de rétribuer, Israël, et un perdant sommé d’accepter les termes de sa reddition, le peuple palestinien. Plutôt que de partir de paramètres établis de longue date, il juge plus prometteur de les modifier en profondeur pour parvenir à cet objectif.

La reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu a permis, selon le président des Etats-Unis, de retirer la question difficile d’un partage de la Ville sainte de la table des négociations. Le chantage exercé auprès de l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens de 1948 et de 1967 (UNRWA) s’inscrit dans la même logique.

Washington ne desserrera son étau financier, a assuré l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, que si l’agence accepte de réduire de son propre chef le nombre de personnes concernées par ce statut. Une telle révision affaiblirait évidemment la position palestinienne. En attendant, après les 60 millions de dollars versés en janvier, au lieu des 300 millions de dollars annuels (soit 30 % du budget de l’agence), la contribution américaine sera désormais nulle.

On peine à comprendre comment la déstabilisation des territoires palestiniens que cette dernière mesure provoquera, surtout dans une bande de Gaza au bord de la rupture, facilitera une solution diplomatique. Washington semble se satisfaire que sa décision sur Jérusalem n’ait provoqué qu’un bref embrasement sanglant dans cette poudrière et mise ouvertement sur un défaitisme et un fatalisme qui conduiront les Palestiniens à une forme de résipiscence.

Exercice hors-sol

Ce calcul est hasardeux à plus d’un titre. Tout d’abord parce qu’il éloigne à nouveau Washington d’une bonne partie de ses alliés, notamment européens, manifestement plus sensibles aux principes du droit international et à la justice que ce dernier se donne pour mission de préserver. Ensuite parce qu’il part du principe que l’humiliation paie, un pari aventureux dans un Moyen-Orient tourmenté. Enfin parce qu’il validera certainement une rhétorique alternative instrumentalisée par l’Iran, prompt à se présenter comme le meilleur défenseur d’une minorité arabe assiégée.

Personne n’imagine aujourd’hui qu’une paix juste et durable est à portée de main entre Israéliens et Palestiniens. Ce constat ne doit pas pour autant pousser à se tourner vers un autre mirage : un ultimatum imposé par un camp soutenu par Washington ne suffira pas à faire renoncer le peuple palestinien à ses aspirations nationales légitimes et à sa soif de liberté. Hélas, le plan que le gendre du président des Etats-Unis, Jared Kushner, se prépare à dévoiler, sans que la moindre date ne soit annoncée, a tout pour l’instant de l’exercice hors-sol.

Washington serait plus avisé de faire en sorte de parler le même langage aux protagonistes de ce conflit. Il devrait aussi distinguer son alliance historique avec Israël de ses propres intérêts régionaux, qu’une paix équitable ne pourrait que conforter. Et devrait user de son influence, qui peut être grande, pour préserver les chances d’une telle issue, diplomatiquement, économiquement et territorialement. Telle a été la mission de l’UNRWA, qui n’a pas été pour rien dans le niveau d’éducation des Palestiniens. Il s’agit de la richesse de cette nation. Imaginer l’en priver est aussi absurde que dangereux.