Une marche pour le climat, à Paris, le 5 décembre 2015. / MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

« Comme beaucoup de monde », mardi 28 août, Maxime Lelong a écouté l’interview de Nicolas Hulot, annonçant sa démission du poste de ministre de la transition écologique et solidaire. « Comme beaucoup de monde », il a été marqué par le sentiment de déréliction exprimé par M. Hulot : « Est-ce que j’ai une société structurée qui descend dans la rue pour défendre la biodiversité ?, avait fait mine d’interroger l’ancien ministre. Est-ce que j’ai une union nationale sur un enjeu qui concerne l’avenir de l’humanité ? »

Nicolas Hulot avait-il raison ? « En cherchant sur les réseaux, je n’ai trouvé aucun événement prévu pour défendre le climat, alors je me suis lancé », explique Maxime Lelong, un entrepreneur de 27 ans qui confie n’avoir jusqu’ici « jamais manifesté ». Au lendemain de l’annonce de Nicolas Hulot, le jeune homme a lancé sur Facebook un événement au succès inattendu. Son appel à « marcher pour le climat » recueille aujourd’hui plus de 16 000 participants et 80 000 personnes se disent intéressées.

« Je me suis dit que s’il y avait bien une raison pour laquelle je devais descendre dans la rue, c’était celle-là », insiste le futur père de famille, qui, à quelques mois de la naissance de son enfant, se pose avec plus d’acuité la question de savoir « quel monde je vais lui laisser ? ».

« Rare engouement »

Initialement prévu le 2 septembre, cette manifestation se déroulera finalement samedi 8 septembre, journée d’action mondiale pour le climat. Face à la viralité de l’événement Facebook, des associations de défense de l’environnement ont contacté le jeune homme pour lui suggérer cette date et l’épauler dans ses démarches. Une dizaine d’associations et d’organisations non gouvernementales (ONG) soutiennent désormais cet appel, dont 350.org, Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne), Notre affaire à tous, et WARN ! (We Are Ready Now).

Coutumière des actions militantes, l’association altermondialiste Attac évoque « un rare engouement » – du moins pour l’instant en ligne –, alors que des rassemblements similaires s’annoncent dans plusieurs dizaines de villes, comme Lille, Strasbourg, Bordeaux, Marseille ou Nantes.

Comment expliquer un tel emballement ? Les organisateurs reviennent à l’unisson sur cet été marqué par une succession de catastrophes liées au dérèglement climatique, « canicule, sécheresse, inondations, feux de forêts ». « Ces alertes répétées ont désormais un impact sur notre vie quotidienne », résume Maxime Lalong.

« Dessaisissement du politique »

Les organisateurs voient surtout dans ce succès viral « un effet Hulot ». Pour Clémence Dubois, responsable des campagnes de l’organisation non gouvernementale 350.org, le discours du ministre démissionnaire a donné « un coup d’accélérateur à cette envie d’action citoyenne ». Une cinquantaine de mouvements consacrés à l’environnement étaient dans les tiroirs depuis plusieurs mois, notamment à l’occasion du sommet mondial sur l’action pour le climat, qui aura lieu en Californie, du 12 au 14 septembre 2018. Mais ils n’avaient pas été médiatisés.

« La démission de Nicolas Hulot est venue clarifier le fait que les politiques libérales, comme celle menée par Emmanuel Macron, sont incompatibles avec l’urgence climatique », abonde Maxime Combe, économiste chargé du dossier climat au sein d’Attac, qui dénonce un « dessaisissement du politique » sur les questions environnementales. « Cette annonce clôt aussi le débat sur l’homme providentiel qui viendrait sauver la planète », poursuit le militant, en évoquant « la nécessité d’instaurer un rapport de force issu de la population civile ».

Maxime Lalong a d’ailleurs mis un point d’honneur à ce que la mobilisation du 8 septembre reste citoyenne et ne soit pas phagocytée par les associations et les ONG. Ces dernières devraient principalement se contenter d’apporter un soutien logistique en déposant la demande d’autorisation à manifester auprès de la préfecture de police. Pour l’heure, le trajet de ce rassemblement parisien, censé partir de l’hôtel de ville jusqu’à la place de la République, n’a pas encore été validé.

« Nous sommes ravis que ce rassemblement émane de la société civile et que nous ne soyons pas dans un entre-soi associatif », confirme M. Combe, qui prévient toutefois « que les “likes”, nombreux, doivent encore se manifester par une présence dans la rue ». Et de conclure : « Le vrai enjeu est que l’engagement individuel devienne collectif pour donner lieu à des changements concrets. »