Des gendarmes mobiles aux abords de Kolbsheim, lundi 10 septembre 2018. / FREDERICK FLORIN / AFP

Après l’accord définitif donné à la fin du mois d’août par Jean-Luc Marx, préfet de la région Grand Est et du Bas-Rhin, l’intervention des forces de l’ordre était aussi attendue que redoutée. Lundi 10 septembre, aux premières heures de la matinée, plusieurs centaines de gendarmes mobiles ont évacué les manifestants et les occupants de la « zone à défendre » (ZAD) du Moulin, dans la forêt de Kolbsheim, à une quinzaine de kilomètres de Strasbourg.

Ces « zadistes » occupaient le site du chantier du grand contournement ouest de Strasbourg (GCO, ou autoroute A355), voie rapide prévue pour contourner Strasbourg par l’ouest, où la société Arcos, filiale du groupe Vinci et concessionnaire du futur contournement, doit procéder à un déboisement. Les opérations de déboisement avaient été interrompues en septembre 2017 à la demande du ministère de l’environnement, dans l’attente de la fin de l’enquête publique.

Selon la préfecture du Bas-Rhin, l’opération, qui a mobilisé 518 gendarmes, a eu lieu en exécution d’une décision rendue le 20 juin par le tribunal administratif de Strasbourg, ordonnant aux occupants sans autorisation de quitter immédiatement les lieux. Elle a jugé le bilan de l’opération « très satisfaisant car il n’y a pas eu de blessé » ni d’interpellation. Plusieurs élus, dont le maire (sans étiquette) de Kolbsheim, Dany Karcher, ont tenté des négociations pour demander un sursis à l’évacuation, tandis que Martine Wonner, députée (LRM) du Bas-Rhin a demandé « la mise en place d’un moratoire » jusqu’au 14 septembre.

  • Que prévoit le projet de grand contournement ?

Comme le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le GCO est un projet ancien. En 1973, le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme évoque un projet de contournement de Strasbourg. La première délibération de l’ancienne communauté urbaine sur ce dossier remonte à… trente-sept ans. Le projet a été abandonné puis relancé à la fin des années 1990.

Evalué à 553 millions d’euros

Le GCO, qui devrait être ouvert en 2020, est une rocade à 2 × 2 voies à péage de 24 kilomètres destinée à délester l’autoroute A35 en absorbant le trafic du nord au sud de l’Alsace. L’A35 est l’une des plus fréquentées de France avec 160 000 véhicules par jour, dont 10 % de poids lourds, notaient les Dernières Nouvelles d’Alsace en 2013. Le montant du chantier est évalué à 553 millions d’euros.

Le 31 août, le préfet Jean-Luc Marx annonçait avoir signé deux arrêtés autorisant le concessionnaire Arcos, une filiale de Vinci, et la Sanef, chargée d’un échangeur, à engager des travaux en vue de la construction de la rocade.

  • Pourquoi est-il critiqué ?

En juin, une commission d’enquête a émis un avis défavorable, par crainte « d’une augmentation des niveaux de pollution atmosphérique », « des impacts […] sur la consommation des espaces agricoles », et « des atteintes aux espèces […] protégées ».

Pour les militants installés depuis un an dans la ZAD du Moulin, le GCO menace directement les forêts de Grittwald et de Kolbsheim, de nombreuses terres agricoles ainsi que des corridors écologiques qui relient des réservoirs de biodiversité et permettent aux espèces animales de se déplacer. Parmi les espèces menacées, les opposants mettent en avant le crapaud vert, le blaireau et le grand hamster d’Alsace.

Plusieurs responsables écologistes, dont l’eurodéputé EELV Yannick Jadot, avaient appelé à la fin d’août Nicolas Hulot, encore ministre de la transition écologique, à s’opposer à ce « grand projet inutile » et dangereux pour l’environnement, comme il s’était « battu contre Notre-Dame-des-Landes ».

Le successeur de M. Hulot, François de Rugy, a déclaré :

« Je vais continuer à regarder ce dossier important qui permet de supprimer une autoroute pénétrante, l’A35, qui traverse le cœur de Strasbourg. Ensuite, j’irai dialoguer avec les personnes, y compris sur place dans les jours ou les semaines qui viennent. »