Un exemple d’échantillon d’ADN dans le service de médecine légale de la ville de New York, le 6 septembre 2018. / CARLO ALLEGRI / REUTERS

C’est une promesse pleine d’espoir, faite au lendemain de l’attaque terroriste contre les tours jumelles du World Trade Center, le 11 septembre 2001 : « Nous ferons tout ce qu’il faut, nous prendrons tout le temps nécessaire, pour identifier toutes les victimes de cette tragédie », avait déclaré le chef du bureau de médecine légale de la ville de New York, Charles Hirsh, lui-même blessé aux côtes lors de l’effondrement de la tour sud.

Dix-sept ans après l’attentat durant lequel deux avions de ligne se sont écrasés sur les deux gratte-ciel newyorkais, la promesse n’a pas encore été tenue. Au mois de septembre 2018, près de 40 % des 2 753 personnes tuées ce jour-là, soit 1 111 victimes, n’ont toujours pas été formellement identifiées.

Le 26 juillet, Scott Michael Johnson, un analyste financier travaillant dans les tours jumelles, est devenu la 1 642e victime reconnue par la médecine légale, la première depuis près de neuf mois. Et aucune ne l’a été depuis cette date. Cent nouveaux échantillons ont bien été identifiés cette année, mais ils appartenaient à des victimes figurant déjà sur la liste officielle.

Pour les scientifiques, l’étape difficile reste l’extraction de profils ADN des restes humains conservés depuis les attentats. Selon une enquête de USA Today, les profils génétiques de près de 600 fragments d’os retrouvés dans les décombres n’ont pu être établis l’année passée, car ils ont été trop sérieusement détériorés ou brûlés. Il a ainsi pu s’écouler plusieurs années sans qu’un seul nom soit ajouté à la liste officielle des victimes.

Des avancées technologiques prometteuses

Le chef du bureau de médecine légale de New York, Charles Hirsh, est décédé en 2016, mais une équipe de dix personnes continue de comparer, chaque jour, les 21 905 restes humains retrouvés dans les décombres des tours jumelles avec une base de données de 17 000 profils ADN, provenant de disparus ou de leurs proches. Chaque échantillon a été testé à plusieurs reprises – jusqu’à 15 ou 20 fois pour certains – mais plus d’un millier restent encore inexploitables.

Cette quête effrénée de l’identification des victimes du 11-Septembre a cependant permis des avancées techniques majeures. Au lendemain des attentats, les médecins légistes broyaient par exemple les échantillons d’os retrouvés dans les gravats à l’aide d’un mortier et d’un simple pilon, afin d’en extraire l’ADN. Depuis cette année, ils recourent à un procédé utilisant de l’azote liquide et une machine à broyer pour obtenir une poudre très fine, ce qui facilite l’extraction de profils génétiques.

Au total, plus de 80 millions de dollars ont été investis dans ces recherches depuis le 11 septembre 2001, selon une estimation de Jay Aronson, auteur du livre Who Owns the Dead (Qui possède les morts ?, 2016, non-traduit), qui s’intéresse aux « sciences et la politique dans la gestion des victimes des attentats sur le site de Ground Zero ».

Certaines de ces avancées, notamment décrites dans un article du magazine Science en 2005, ont d’ailleurs été utilisées pour identifier les victimes du tremblement de terre et du tsunami qui avaient déclenché l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon, en 2011.

Des identifications importantes pour les proches

La lenteur des avancées n’empêche pas les autorités de reprendre à leur compte la promesse faite par Charles Hirsh après les attentats. « Notre engagement est le même aujourd’hui qu’en 2001 », a assuré à l’AFP Mark Desire, assistant du directeur de l’expertise médico-légale à l’Institut médico-légal de New York.

L’implication des équipes scientifiques dans l’identification des restes humains a rendu possible l’inhumation de nombreuses victimes, plusieurs années après les attentats. Une famille française, dont le fils est mort le 11 septembre 2001, a raconté sur Franceinfo le calvaire de ce lent processus  : le premier appel identifiant leur proche, peu après les attentats. Puis les « quatre ou cinq coups de fils », reçus dans les cinq années qui ont suivi, leur annonçant à chaque fois qu’une autre partie du corps avait été retrouvée.

Les restes de la victime ont été rapatriés en France, mais la famille a pour l’instant décidé de ne pas organiser de funérailles. « Je ne dis pas que ça nous a aidés. Mais c’était tout simplement notre devoir en tant que parents » de procéder à ce rapatriement, a expliqué la mère du défunt. D’autres proches de victimes n’ont jamais eu de preuves matérielles de leur mort. Des pierres tombales sont parfois érigées en mémoire des personnes disparues.

« Si vous n’avez pas d’éléments tangibles, il y a toujours une part de vous-même qui s’autorise à nier la réalité, a témoigné dans la presse américaine la mère d’une autre victime des attentats pour décrire la douleur de l’attente provoquée par le processus d’identification. Une fois que vous recevez cet appel [du laboratoire], vous ne pouvez vraiment plus le nier. Vous savez que c’est vrai. »