Le plus cruel d’entre nous, c’est sans doute ce confrère du Parisien qui annonce la Biennale Paris dans un article intitulé « Les brocantes de la rentrée en Ile-de-France »… On n’ira pas jusque-là. La manifestation, autrefois connue – très connue – sous le nom de Biennale des antiquaires, est devenue annuelle, certains des meilleurs de la profession la désertent, quand ils ne sont pas dans le collimateur de la justice, les affaires de faux ayant proliféré ces temps-ci.

Pour se refaire une virginité, le Syndicat des antiquaires s’est doté d’un comité d’experts censé être à toute épreuve, et a proposé un stand à Charles Hooreman, l’homme qui a repéré les faux vendus au château de Versailles, considérés par d’autres (dont quelques ministres) comme des « trésors nationaux ». La manifestation méritait-elle tant d’honneurs (elle fut fondée avec le patronage d’André Malraux), et tant d’indignités ?

Les tenants de la première version argueront de cette « vitrine de l’excellence à la française », se souviendront nostalgiques de ces « dîners de gala » où les invités, en tenues de soirée, ça va de soi, défilaient sous les dorures avec le corps bienheureux et la conscience nette : le bénéfice du vernissage allait aux bonnes œuvres (on ne parle pas de celles qui étaient dans les stands), et puis, cela permettait d’utiles, voire de fructueuses, rencontres.

Moitié moins d’exposants qu’en 2016

Les partisans de la seconde version se souviendront surtout de ce que l’amour de l’art était fort peu présent, qu’un antiquaire célèbre s’était fait une réputation de bel esprit en clamant qu’il devait « sa fortune à l’inculture de ses clients », et que les rois de la fête étaient les décorateurs, qui en profitaient généralement pour augmenter leurs honoraires.

On aimerait que les 62 exposants (moitié moins qu’il y a deux ans) de cette 30e édition ne se sentent pas visés par ce qui précède : ils ne manquent pas de courage, ont investi beaucoup pour être présents (le coût du mètre carré de stand, 900 euros, ne doit pas faire oublier celui des honoraires précités, sans compter les frais annexes), et pas seulement en termes financiers : trouver des pièces rares, les identifier, en reconstituer l’historique, les faire restaurer le cas échéant, est une besogne parfois laborieuse.

Mais qui, comme les tâches ménagères, n’est pas sans noblesse, au sens où l’entendait l’acteur Jean Lefebvre quand il était question de beurrer des toasts dans la cuisine des Tontons flingueurs (1963), un film de Georges Lautner que devraient revoir, vu la franche camaraderie qui les anime, tous les antiquaires parisiens. Bon nombre de ces œuvres auraient tout simplement disparu si quelqu’un ne s’était pas penché sur leur cas. Pour les meilleurs d’entre eux, ils font aussi, par leurs recherches, progresser l’histoire de l’art.

La Biennale Paris. Grand Palais, avenue Winston Churchill, Paris 8e. Tous les jours de 12 heures à 20 heures, jusqu’au dimanche 16 septembre (fermeture à 18 heures). Nocturnes le jeudi 13 septembre jusqu’à 22 h 30 et le samedi 15 septembre jusqu’à minuit. Entrée : 35 €. www.labiennaleparis.com