Au Parlement européen, à Strasbourg, le 12 septembre 2018. / Jean-Francois Badias / AP

« I would prefer not to. » Tel Bartleby, le héros d’Herman Melville, les eurodéputés Les Républicains (LR) auraient sans doute préféré ne pas avoir à se prononcer sur la résolution adoptée à Strasbourg, mercredi 12 septembre, qui dénonce les « risques de violation grave de l’Etat de droit » dans la Hongrie du premier ministre ultraconservateur Viktor Orban. Cette résolution ouvre la voie à une possible privation des droits de vote de Budapest au sein du Conseil européen.

Signe du malaise : les seize élus que compte encore LR à Strasbourg – membres, comme M. Orban, du PPE (Parti populaire européen) – ont exprimé des votes divisés. Cinq députés se sont prononcés en faveur de la résolution, trois s’y sont opposés, pendant que six autres s’abstenaient (deux élus n’ont pas pris part au vote). « Il n’y avait pas de position du parti, comme le PPE », explique-t-on dans l’entourage de Laurent Wauquiez, président de LR.

Ce dernier partage la ligne anti-immigration du dirigeant hongrois. Il assume de parler avec lui, au point d’afficher sur Twitter la photo de leur première rencontre, qui a eu lieu dans le cadre d’une réunion du PPE, le 28 juin. « Ostraciser Orban, c’est le rejeter vers l’extrême droite », répète souvent le député européen Brice Hortefeux, son conseiller spécial. Mais la donne a changé à la suite des propos intransigeants tenus mardi par le premier ministre hongrois devant le Parlement européen, puis dans le cadre d’une réunion avec les députés PPE. Le président de ce groupe, l’Allemand Manfred Weber, a lui même voté en faveur de la délibération.

« Valeurs européennes »

« Quand on a appris que Sebastian Kurz [chancelier autrichien conservateur, allié à l’extrême droite dans son pays] demandait à sa délégation de voter pour la délibération, ça a détendu tout le monde », rapporte Jérôme Lavrilleux, un ex-LR qui siège toujours au sein de la délégation de son ancien parti. « J’étais déterminé à voter contre ce rapport, déposé par une Verte et soutenu par toute l’extrême gauche. Mais j’attendais un geste d’ouverture de la part d’Orban, qui n’est pas arrivé », rapporte M. Hortefeux, qui s’est finalement abstenu. Comme Arnaud Danjean : ce dernier a dénoncé lors de la réunion du PPE, mardi, une manipulation de la gauche destinée à diviser les siens.

« J’ai voté en conscience, il fallait marquer le coup par rapport à la Hongrie, à l’importance des valeurs européennes », estime au contraire Alain Cadec, qui s’est prononcé en faveur du texte. Quitte à faire le jeu d’Emmanuel Macron, qui cherche à diviser la droite pour mieux introduire un duel entre « progressistes » et « nationalistes » ? « Voter contre, c’était entrer dans le jeu de Marine Le Pen et compagnie », relève le député.

« M. Orban est le seul dirigeant européen qui rassemble sur son nom près de 50 % des suffrages dans son pays. Qui sommes-nous pour remettre en cause le choix des Hongrois ? », interroge de son côté Franck Proust, chef de file de la délégation LR au Parlement européen, dénonçant le « rapport à charge » adopté mercredi. Ce dernier a voté contre, tout comme Nadine Morano. « Je serai toujours du côté des dirigeants européens qui défendent la souveraineté de leur nation et protègent nos frontières », a écrit cette dernière sur Twitter, postant une photo d’elle au côté de M. Orban.

Dans l’entourage de Laurent Wauquiez, on ne manque pas, en tout cas, de noter que les troupes de LR ont été moins nombreuses à voter en faveur de la résolution que l’addition des abstentionnistes et des votes « contre ». C’est toujours ça de pris.