La distribution gratuite de petits déjeuners dans les écoles des zones défavorisées, mesure plaidée il y a six mois par le député La République en marche (LRM) Olivier Véran auprès de la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, figure bien dans le plan pauvreté présenté par Emmanuel Macron, jeudi 13 septembre.

« Il ne s’agit pas de faire déjeuner tout le monde. Les enseignants, les parents d’élèves auront toute liberté pour offrir ce petit déjeuner une ou plusieurs fois par semaine, ou installer un espace dédié dans un coin de préau, à des horaires adaptés, pour répondre aux besoins », explique Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. « Donner à manger aux enfants pour que le ventre vide ne soit pas un obstacle aux apprentissages, c’est la base, réagit Francette Popineau, du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC-Fédération syndicale unitaire (SNUipp-FSU), majoritaire au primaire. Cela doit être fait en respectant la dignité des enfants ; tous doivent en bénéficier. A l’adulte de le faire avec discernement. Mais il ne faut pas s’y tromper : c’est un geste, insiste la syndicaliste. Cela ne sera pas de nature à résoudre le problème de la pauvreté des enfants. »

Fatigue et manque de concentration

Dans le plan pauvreté, une seconde mesure concerne la restauration scolaire : les tarifs sociaux de cantines, avec des prix modulés selon les revenus, courants en ville (70 % des écoles), moins en milieu rural (30 % seulement), devraient être généralisés, avec un plafond du barème le plus bas à 1 euro le repas. L’Etat s’engagerait à compenser le manque à gagner, pour les communes, de ces tarifs dégressifs.

De 200 000 à 300 000 enfants – sur les 3 millions d’enfants considérés comme pauvres – devraient bénéficier de ces deux mesures.

Combien, aujourd’hui, arrive à l’école le ventre vide ? Le gouvernement avance le chiffre de 15 % des enfants pauvres (7 % en moyenne). Une enquête du Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), menée en 2015 auprès de 540 professeurs du CP au CM2, faisait état d’une moyenne de 3 élèves par classe repérés comme sautant la collation du matin, chiffre susceptible d’atteindre 5 enfants par classe en zone d’éducation prioritaire.

Interrogés sur les conséquences de ce jeûne matinal, les professeurs des écoles évoquaient, pêle-mêle, la fatigue des écoliers, leur manque de concentration, leur agitation, mais aussi des maux de ventre, des malaises… Cette question de la sous-alimentation et de son impact sur la scolarité figurait déjà aussi en bonne place dans le rapport consacré, en 2015, à la grande pauvreté et à la réussite scolaire, remis par l’inspecteur général Jean-Paul Delahaye à Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’éducation. M. Delahaye y défendait le fait que la restauration scolaire devienne un « droit sans aucune condition ».

Etat d’esprit plutôt positif

Au fil des pages, l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire rassemblait des témoignages et des cas exemplaires. Comme celui d’enseignants d’une élémentaire de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) où une vingtaine d’enfants en situation de sous-alimentation étaient invités à se resservir à la cantine, en fin de service. Ou celui de médecins scolaires rapportant des cas de maigreur alarmante dans l’académie de Reims. M. Delahaye y rappelait aussi la situation alarmante de la Guyane où une politique de « collation pour tous » (sandwich et fruit au milieu de la journée) a été développée au bénéfice de 12 000 enfants (presque un tiers des écoliers de l’académie) en 2014-2015.

Dans les rangs des enseignants, à la veille de l’annonce du plan pauvreté, l’état d’esprit était plutôt positif. « Il est primordial de se soucier des besoins premiers des enfants – être nourri, être habillé, être soigné, défend Stéphane Crochet, du Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA). Une mesure de ce type contraint la communauté éducative à porter un regard plus complet, plus global sur l’enfant. Mais, pas plus d’ailleurs que les classes dédoublées en CP et en CE1, elle ne peut être l’alpha et l’oméga d’un plan pauvreté. » D’autant que, comme ne cessent de le rappeler les acteurs de terrain, la majorité des enfants et des jeunes pauvres ne sont pas scolarisés dans les réseaux d’éducation prioritaire – au total, moins d’un quart des élèves pauvres étudient dans un établissement labellisé, chiffre l’Observatoire des inégalités.