« Le monde est à nous ». Pas sûr que le slogan de l’édition 2018 de la Fête de L’Humanité, qui rappelle une scène du film La Haine, de Mathieu Kassovitz, corresponde à la réalité du Parti communiste. Ce dernier connaît en effet des turbulences. Sur le front intérieur, son congrès qui aura lieu en novembre, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), promet d’être remuant. Sur l’extérieur, ses futures alliances sont encore en suspens alors que ses relations avec les frères ennemis de La France insoumise sont exécrables. Petit tour d’horizon.

  • Un congrès tendu

Trois textes alternatifs affrontent celui de la direction, appelé dans le jargon de la « place du Colonel-Fabien », « base commune ». Parmi eux un sérieux concurrent se détache : la motion signée par André Chassaigne (le président du groupe à l’Assemblée, très populaire au PCF) mais aussi des orthodoxes. « J’ai participé à la prise de décision de faire ce texte et à sa rédaction », précise le député du Puy-de-Dôme qui, pour la première fois de sa vie, ne signe pas le texte de la direction. Cette dernière fustige en retour « l’alliance de la carpe et du lapin » en ayant conscience du danger : le texte parvient à faire une sorte de quadrature du cercle communiste en étant très critique à la fois contre la direction et contre La France insoumise. André Chassaigne se défend  :

« Je suis satisfait que des communistes qui ont des approches différentes, [notamment sur l’Europe ou sur l’islam], aient pu cosigner ce texte. On a un point commun : vouloir stopper la spirale de l’effacement du parti. »

Certains dirigeants voient même ce « manifeste » arriver en tête lors du vote des militants en octobre. Une situation qui serait inédite. Dans ce cas, soit Pierre Laurent qui brigue un nouveau mandat à la tête du parti après dix ans de pouvoir parvient à faire une « synthèse » autour d’un texte amendé, soit un secrétaire national alternatif pourrait être proposé. Le nom du député du Nord Fabien Roussel revient avec insistance.

  • Relations au point mort avec les « insoumis »

Une chose ne change pas : les mauvaises relations avec LFI. Les échanges d’amabilités − sur tous les sujets − entre responsables communistes et « insoumis » finissent même par en lasser certains au PCF. Ceux-là se retrouvent autour, entre autres, des députés Stéphane Peu (Seine-Saint-Denis) et Elsa Faucillon (Hauts-de-Seine) et de leur texte alternatif, qui veut « rassembler les forces antilibérales » pour bâtir un « front commun », notamment avec LFI. « Faire comme si LFI n’existait pas est un leurre. La direction actuelle doit faire preuve de lucidité. Ni statu quo ni retour en arrière », estime Mme Faucillon, quand Stéphane Peu juge que « Mélenchon est central ».

Il n’empêche. La tension est telle que les députés « insoumis » ont décliné l’invitation à assister au discours de Pierre Laurent, samedi 15 septembre. Dans un communiqué, ils écrivent :

« En 2017 Pierre Laurent a consacré son discours au stand du conseil national du PCF à attaquer Jean-Luc Mélenchon devant une délégation de dirigeants de La France insoumise. Cette année, c’est avant même la Fête de “L’Humanité” que la tête de liste européenne du PCF, Ian Brossat, nous insulte. La porte est ouverte aux provocations et incidents. Nous n’en voulons pas. A quoi bon, alors, répondre à l’invitation à écouter Pierre Laurent samedi si c’est un traquenard ? En conséquence, à regret, la délégation du groupe LFI initialement prévue ne se rendra pas à l’invitation officielle du CN du PCF. Nous voulons protéger ce qui reste de possibilités de dialogue serein. Nos adversaires doivent rester Macron et Le Pen chacun pour la part qui lui revient. »

En revanche, Benoît Hamon sera présent. Il sera accompagné de l’ancien ministre des finances grec, Yanis Varoufakis. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, et Olivier Besancenot, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), viendront également à La Courneuve.

  • Coup d’envoi des élections européennes

On l’a compris, l’alliance avec La France insoumise pour les européennes est aujourd’hui impossible, notamment à cause de la personnalité clivante de Ian Brossat à l’égard des « insoumis ». Outre les piques lancées par l’élu parisien à leur endroit − auxquelles ils répondent sur le même ton − les cadres de LFI sont ulcérés par les affiches du jeune communiste qui reprennent « l’humain d’abord », nom du programme du Front de gauche en 2012 et de son candidat à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon. Rien de choquant pour les communistes : la marque a été déposée par leurs soins, en 2010, à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Les visiteurs ne pourront, en tout cas, pas la rater puisqu’elle a été tirée à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Ian Brossat sera en outre la star de la fête, puisqu’il se démultipliera, notamment à travers pas moins de quatre « speed meetings » au long du week-end.

Malgré ce volontarisme, l’avenir communiste pour les européennes est encore flou : les mauvais sondages ne plaident pas pour une liste autonome. Mais avec qui s’allier ? Génération.s, qui est aussi à la peine ? Ou avec le PS, qui risque d’avoir une campagne proche de celle du Parti socialiste européen, qui ne correspond pas à la ligne du PCF ? Pour l’instant les communistes, prudents, veulent voir comment les choses se décantent.