« Je pense que nous pouvons, à hauteur d’une génération, éradiquer la grande pauvreté dans notre pays, je ne l’aurais pas dit il y a quelques mois, mais je pense que nous ne pouvons le faire que si nous avons cette ambition extrême, extrême, de tous et toutes… si ce n’est pas la France qui mène cette bataille, qui le fera ? » Les derniers mots du discours fleuve d’Emmanuel Macron, jeudi 13 septembre détaillant sa stratégie de lutte contre la pauvreté, devant un parterre de 300 personnes réunies au Musée de l’homme, ont été salués par de vifs applaudissements et même par une brève ovation.

« C’est vrai, pour la première fois un président de la République s’engage à éradiquer la grande pauvreté sur une génération, cela prend du temps, c’est normal, c’est très positif », s’enthousiasmait Claire Hédon, la présidente d’ATD Quart Monde. La veille, le chef de l’Etat avait passé plus de cinq heures dans la cité d’ATD Quart Monde à Noisy-le-grand (Seine-Saint-Denis) discutant avec les habitants.

Est-ce cette rencontre qui a conduit le président de la République à trouver de tels accents lyriques ? Ces paroles ont fait mouche. « C’est important qu’un président appelle à changer de regard, dise que les pauvres ont des solutions, d’affirmer qu’ils ne sont pas des profiteurs, des assistés », estimait François Soulage le président du collectif Alerte, à l’issue de la manifestation.

Niveau trop faible du RSA

Mais passée l’émotion, de nombreuses voix se font aujourd’hui plus critiques. Car les associations ont sorti leur calculette : « Sur les 8 milliards d’euros annoncés en quatre ans, plus de quatre sont consacrés à la revalorisation de la prime d’activité déjà actée et annoncée », remarque ainsi Claire Hédon. « Oui, on a été émus, mais pour ceux qui sont à la rue aujourd’hui, on fait quoi ? », s’interroge Samuel Coppens de la fondation de l’Armée du Salut. « Il y a des avancées, mais les mesures annoncées demeurent insuffisantes pour corriger les effets néfastes des choix politiques antérieurs », tacle enfin dans un communiqué le collectif Alerte.

Jeudi, derrière le pupitre du président la république s’étalait en grosses lettres le slogan « Faire plus pour ceux qui ont moins », des participants ont ironisé sur Twitter « faire moins pour ceux qui ont plus ». « Ce plan comporte des mesures structurantes à long terme, mais fait l’impasse sur nombre de sujets », souligne la présidente du Secours catholique, Véronique Fayet, pointant le niveau trop faible du RSA, l’accès au logement trop difficile et la non-prise en compte de la précarité des étrangers.

« Un service public de l’intégration, une prise en charge des jeunes majeurs jusqu’à 21 ans, chiche !, défie Stéphane Troussel le président PS du conseil général de Seine-Saint Denis mais avec quel moyen ? Je ne peux m’empêcher de rapprocher ces 8 milliards dont 4 sont d’ores et déjà gagés, aux milliards de cadeaux fiscaux », grince l’élu. L’Association des régions de France s’étonne, dans son communiqué, « de l’absence de concertation sur l’extension de la garantie jeune et les dispositifs d’insertion ». Droit au logement déplore « qu’il n’y ait rien de neuf sur le logement, pas un mot sur les APL ». Enfin, les Petits frères des pauvres regrettent que « cette stratégie ne comporte aucune mesure contre l’isolement alors que la perte d’autonomie et la pauvreté renforcent la solitude ».

Beaucoup de zones d’ombres subsistent sur les mesures annoncées, à commencer par celle d’un revenu universel d’activité. Que va-t-il couvrir ? A qui va-t-il s’adresser ? Qui seront les perdants et les gagnants ? La loi promise pour 2020 répondra à ces questions, une échéance qui semble bien lointaine.