L’animateur Stéphane Bern est en charge de médiatiser les journées du patrimoine. / LUDOVIC MARIN / AFP

Les Journées européennes du patrimoine vont pour la première fois être pimentées par le tirage d’un loto afin de financer sa mise en valeur mais un projet de loi diminuant le contrôle de l’Etat sur les chantiers inquiète ses défenseurs.

Comme chaque année, une multitude d’initiatives sont prévues samedi et dimanche 15 et 16 septembre, pour permettre au grand public d’explorer des univers inconnus. Parmi elles, des visites des studios de Radio France et de Bercy (en présence des ministres). A l’hôtel de Montmorin, ministère des outre-mer, jeunes et moins jeunes pourront expérimenter des escape games dans un des rares bunkers parisiens de la Deuxième Guerre mondiale.

La mission confiée par le président Emmanuel Macron à l’animateur Stéphane Bern contribue à médiatiser ces Journées. Un loto et un jeu de grattage ont été lancés pour contribuer à restaurer 18 monuments « emblématiques » en péril, sur quelque 270 sélectionnés. Les premiers chèques seront remis samedi aux communes concernées. Le jeu « connnait un très bon démarrage », affirme-t-on à la Française des jeux (FDJ).

Loi ELAN en jeu

La ministre de la culture, Françoise Nyssen, a donné jeudi le coup d’envoi des Journées en se rendant au Mobilier national, dont les réserves seront ouvertes pour la première fois au public. Elle a répondu aux critiques sur les engagements de l’Etat : « 326 millions d’euros par an pour la restauration du patrimoine ne sont pas une goutte d’eau ».

L’intérêt des Français pour leur patrimoine « semble avoir été entendu en haut lieu », s’était félicité mercredi Stéphane Bern, interrogé par l’AFP.

Il y a quelques jours, l’animateur proche du couple Macron avait menacé de quitter sa mission à la fin de l’année s’il n’était qu’un « cache-misère ». En jeu, la future loi ELAN sur le logement, qui risque d’affaiblir le contrôle de l’Etat en limitant le rôle des Architectes des bâtiments de France (ABF), chargés de donner leur avis aux maires dans les aménagements ou destructions de sites.

M. Bern « garde donc espoir (…) que certains points qu’il a souhaité soulever (comme l’article de la loi ELAN sur l’avis conforme des ABF) et qui peuvent poser problème, soient revus tant qu’il en est encore temps », a-t-il déclaré.

Architectes qui se paupérisent

L’ancien ministre de la culture Jack Lang, à l’origine des Journées du patrimoine, s’inquiète aussi d’un projet qui « retire du pouvoir » aux architectes, alors qu’ils « se paupérisent ». « On a parfois l’impression, confie-t-il à l’AFP, que les banques et sociétés privées deviennent les urbanistes : on leur livre les entrées des villes, les mobiliers urbains », ajoute-t-il, regrettant que « l’on ne soit pas suffisamment protecteur à l’égard du patrimoine du 20e siècle ». L’ancien ministre proche de François Mitterrand fait aussi confiance à Emmanuel Macron, « qui peut proposer une ambition nationale pour la préservation de l’histoire d’hier et du patrimoine de demain ».

Pour Alexandre Gady, président de Sites et Monuments, les Journées du patrimoine sont cependant une nouvelle illustration du « en même temps » d’Emmanuel Macron. Le projet ELAN « empêchera le ministère de la Culture de s’opposer à la dénaturation et à la démolition d’édifices patrimoniaux en péril. Le loto occulte ainsi médiatiquement l’essentiel », accuse-t-il. M. Gady y voit une offensive des lobbies économiques pour « relancer le BTP ». « On pourrait se priver de quartiers entiers » dans les villes, affirme-t-il à l’AFP.

Si le loto est plutôt bien vu dans les communes, il ne compensera en rien les financements des mécènes, de l’Etat et des entreprises. Mais les films de 2 mn diffusés chaque soir après le journal télévisé de France 2 ont eu un fort impact, et sont un format facile à reproduire sur les réseaux sociaux.

Vanessa Colas, chargée de mission pour le Fort Cigogne de Fouesnant, souligne ainsi l’effet immédiat du spot diffusé le 3 septembre sur Fouesnant : « depuis lors, les dons et promesses de dons affluent ».

Dans les bureaux de tabac de Bretagne, une carte affiche 14 sites nécessitant une restauration dans la région : la mission Bern « permet de mobiliser des personnes qui n’étaient pas au courant », souligne-t-elle.