Lors de la présentation de sa « stratégie pauvreté », jeudi 13 septembre, Emmanuel Macron a su, dans un discours fleuve prononcé devant des élus et des associatifs, trouver les mots pour émouvoir. « Je pense que nous pouvons, à hauteur d’une génération, éradiquer la grande pauvreté dans notre pays (…). Si ce n’est pas la France qui mène cette bataille, je suis sûr d’une chose, personne ne la mènera. Alors, nous allons le faire », a-t-il conclu. Mais passé le lyrisme du discours, les associations expriment des doutes, pointent des manques, s’inquiètent surtout des moyens financiers et n’oublient pas les coupes déjà à l’œuvre dans le secteur social en 2018, et celles promises pour 2019 : baisse des emplois aidés, des APL, ponction du secteur HLM, réduction des crédits d’hébergement d’urgence… Eric Pliez, le président du Samusocial de Paris et directeur général de l’association Aurore, reconnaît des avancées, mais critique l’absence de stratégie en faveur des grands précaires.

Que pensez-vous du plan pauvreté du gouvernement ?

Il y a des avancées pour la petite enfance, dans l’accompagnement vers l’emploi, mais le logement et le soutien aux grands exclus, ceux qui sont à la rue aujourd’hui, sont oubliés. Ils ont d’abord besoin d’un logement stable et de soins. L’expérimentation « Un chez-soi d’abord » menée dans quatre villes, Paris, Lille, Marseille et Toulouse, auprès de 400 personnes, est très positive. Après un an, 80 % d’entre elles sont encore dans leur logement et plus de 85 % ont débuté un traitement médical pour soigner leurs addictions. Le programme peut et doit s’accélérer car, rien qu’à Paris, on estime que le nombre de ces grands précaires serait de l’ordre de 4 000 à 5 000.

Le plan prévoit quand même 7 500 places d’hébergement pour les familles : n’est-ce pas suffisant ?

C’est positif, mais pas à la hauteur des besoins. Chaque jour, le Samusocial de Paris n’a pas de solution à offrir à 1 200 personnes qui le joignent – alors que beaucoup n’appellent même plus –, dont 300 enfants. Il est intolérable de laisser des enfants à la rue, or, le gouvernement a supprimé des crédits aux centres d’hébergement… Il faut, bien sûr, développer le logement très accessible, mais pas au détriment de l’hébergement d’urgence.

Le plan pauvreté prévoit aussi d’intensifier les maraudes pour repérer les familles et lutter contre la mendicité. Est-ce une bonne approche ?

Oui, il est fondamental d’aller vers les personnes exclues et de mieux coordonner les actions des collectivités et de l’Etat. Sur la mendicité, nous constatons que lorsque nous proposons un logement ou un hébergement aux familles, elles préfèrent scolariser leurs enfants qui ne mendient donc plus.