Les points sur les « i ». « Nous n’avons pas créé la fonction publique pour les fonctionnaires. Nous n’avons pas créé l’ENA pour les énarques », a rappelé sans ambages le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, aux élèves de l’Ecole nationale d’administration, à Strasbourg, vendredi 14 septembre. « Voici quelques semaines, j’ai été invité à intervenir devant quelques-uns de vos camarades d’une promotion précédente à qui on a dit, ô drame, qu’ils devaient servir la République lorsqu’elle avait besoin d’eux. J’ai appris que quelques-uns avaient été choqués. J’espère que ce sera le seul choc de leur vie », a-t-il ironisé.

Les locaux feutrés de l’école résonnent rarement de propos aussi tranchés. Mais Gérald Darmanin n’est pas très content de l’accueil réservé par les énarques à l’une des mesures annoncées par le premier ministre, en février. Deux ans après être sortis de l’ENA, avait déclaré Edouard Philippe, les meilleurs élèves, ceux intégrés dans les « grands corps » (Conseil d’Etat, Cour des comptes, inspections), seront affectés à des missions jugées prioritaires : plan pauvreté, RSA, énergies renouvelables, etc. De fait, une quinzaine de jeunes énarques prennent ces jours-ci leurs fonctions aux quatre coins de la République. Qui en Guyane, qui à Fessenheim (Haut-Rhin), ou qui en Bretagne.

« Ton inutilement agressif »

Or, les élèves de la promotion « Churchill », qui inaugurent le dispositif, n’étaient visiblement pas très allants. Lorsque Gérald Darmanin a découvert que ces derniers avaient tous choisi des missions à Paris, son sang n’a fait qu’un tour. Il leur a dit sans détour sa façon de penser en juin, en inaugurant une journée de formation à Paris. La séance a été « tendue », rapporte une participante, qui évoque « un ton inutilement agressif ». « C’est bon signe qu’ils aient été choqués », rétorque aujourd’hui M. Darmanin.

Lequel a donc enfoncé le clou à Strasbourg : « Il n’y a pas de noblesse particulière, il n’y a que des exigences à servir la République. Vous êtes mis à la disposition du gouvernement pour servir le pays. » Principe cardinal d’un pouvoir macronien qui, s’appuyant sur la haute fonction publique, exige d’elle une docilité sans faille. Sauf que, répondent de jeunes énarques potentiellement concernés par la mesure, à la Cour des comptes ou au Conseil d’Etat, les fonctionnaires sont des magistrats. Et, dit l’un, « les magistrats ne sont pas là pour obéir au gouvernement ».