Kevin Mayer, à Talence, le 16 septembre 2018. / NICOLAS TUCAT / AFP

Un mal pour un bien. Le décathlonien français Kevin Mayer n’avait pas caché sa très grande frustration après son abandon aux championnats d’Europe à Berlin, début août, consécutif à une épreuve de saut en longueur totalement ratée. Le champion du monde en titre du décathlon (quatre courses, trois épreuves de saut et trois de lancer) avait toutefois très vite décidé de passer à autre chose, se fixant un rendez-vous  : le Décastar de Talence (Gironde), l’une des Mecque du décathlon. Avec un objectif  : ne pas achever sa saison sur cet échec.

Pari réussi. Et ô combien ! Dimanche 16 septembre, au terme des deux jours de ce Décastar, Kevin Mayer a non seulement fini la compétition en battant son record de France, mais, surtout, il a battu le record du monde, détenu par l’Américain Ashton Eaton depuis 2015, avec 9 045 points.

Le précédent O’Brien

Hasard de l’histoire ? C’est sur cette même piste de Talence que, le 5 septembre 1992, l’Américain Dan O’Brien avait lui aussi fait tomber un record du monde : celui qui était alors triple champion du monde du décathlon avait effacé des tablettes la performance du Britannique Daley Thompson avec un total de 8 891 points.

Or, Dan O’Brien sortait lui aussi d’une grosse déconvenue : il avait manqué les JO de Barcelone cette année-là, pour lesquels il apparaissait pourtant comme le grand favori.

Sacré champion du monde du décathlon en 1991 à Tokyo, l’Américain n’avait pas réussi à franchir, en juin 1992, l’étape des sélections américaines. Lui aussi avait connu une épreuve de saut totalement ratée : celle du saut à la perche en l’occurrence - pourtant l’une de ses spécialités - à laquelle il avait affiché un zéro pointé, synonyme de non-qualification olympique.

« Un cycle d’entraînement à fond »

Pour ce Décastar, épreuve à laquelle il n’avait plus participé depuis 2012, Kevin Mayer avait « refait un cycle d’entraînement à fond ». Après Berlin, le décathlonien avait modifié son programme, réduisant ses vacances, refaisant de l’entraînement physique (musculation, séances d’aérobie à vélo) et insistant notamment sur le saut en longueur.

« Il a bien géré cette période en assumant l’échec. Je le retrouve en excellente forme physique et il a envie. Tous les indicateurs sont bons pour qu’il fasse un beau décathlon à Talence », avait prévenu son coach Bertrand Valcin, avant le rendez-vous de ce week-end.

« Berlin était bien une erreur de parcours »

Il y avait toutefois une chose dont Kevin Mayer ne voulait pas vraiment entendre parler, mais dont tout le monde lui parlait pourtant : c’était la possibilité qu’il puisse battre le record du monde à Talence.

Il s’était déclaré « fatigué » qu’on lui rabâche sans cesse ce sujet. Tout en admettant que ce record était à sa portée : « Le record du monde est toujours dans un coin de la tête. Je sais que j’en ai le potentiel ». « Mais un décathlon, c’est spécial », prévenait-il aussitôt.

« Il possède tous les ingrédients pour arriver à battre le record du monde, assurait de son côté son entraîneur, avant Talence. Quand je compare le Kevin de 2016 qui fait plus de 8 800 points et celui d’aujourd’hui, il y a un monde d’écart qui le rapproche évidemment d’un potentiel record. »

Ce week-end, Kevin Mayer a montré que c’était bien le cas. Pour faire tomber le record de France et le record du monde, il a notamment battu ses records personnels sur le 100 m, au saut à la perche, au javelot et au… saut en longueur. Comme quoi « Berlin était bien une erreur de parcours », comme Kevin Mayer a eu l’occasion de le dire, dès samedi.

Quelques précédents français

Avant Kevin Mayer, quelques athlètes français ont également eu la joie de battre un record du monde. En 2014, lors de sa victoire aux championnats d’Europe, Yohann Diniz avait établi un nouveau record du 50 km marche. La même année, au saut à la perche, Renaud Lavillenie avait fait tomber, début 2014, le record que détenait l’Ukrainien Sergueï Bubka depuis 21 ans.

Avant lui, en 1983, Pierre Quinon et Thierry Vigneron avaient eux aussi successivement battu coup le record du monde de l’époque.

Autre discipline : le relais 4 x 100 m. Lors des championnats d’Europe en 1990, Max Morinière, Daniel Sangouma, Jean-Charles Trouabal et Bruno Marie-Rose avaient réalisé le meilleur temps mondial. Trois ans plus tôt, sur le 200 m en salle, Bruno Marie-Rose était lui devenu le plus rapide du monde.