Deux ans et demi après la diffusion d’images-chocs d’animaux maltraités filmées en caméra cachée par l’association L214, le tribunal correctionnel de Pau juge lundi 17 et mardi 18 septembre des employés et le directeur de l’abattoir de Mauléon, dans les Pyrénées-Atlantiques.

Après la diffusion de ces vidéos, l’abattoir avait été temporairement privé de son agrément sanitaire. Et trois salariés de l’abattoir, ainsi que son ex-directeur, Gérard Clémente, sont depuis poursuivis pour « mauvais traitements infligés sans nécessité à un animal domestique », une infraction équivalente à un excès de vitesse simple et pour laquelle la peine encourue est une contravention de 4e classe (750 euros au plus).

L’abattoir de Mauléon et son ancien directeur, Gérard Clemente, retraité aujourd’hui, devront également répondre de « tromperie sur la nature, la qualité, l’origine ou la quantité d’une marchandise », un délit passible de deux ans de prison et 300 000 euros d’amende. Tous les prévenus, ainsi qu’un quatrième employé, sont également poursuivis pour divers manquements aux règles de l’abattage (absence de précaution ou d’étourdissement préalable, saignée tardive, etc.).

« Se dégager de l’émotionnel »

Après trois renvois, ce procès s’ouvre alors même que le Parlement examine en seconde lecture le projet de loi agriculture et alimentation. Ce projet prévoit notamment des sanctions en cas de maltraitance animale dans les abattoirs et dans les transports d’animaux, ainsi que la création d’un poste responsable de la protection animale dans chaque abattoir.

« Je travaille à la préparation de ce procès depuis deux ans de manière sereine », explique Me Denise Pombieilh, défenseur de l’ex-directeur de l’abattoir et de l’établissement en tant que personne morale. « J’espère que durant ce procès nous allons nous dégager de l’émotionnel pour aborder les choses de manière technique et objective sans oublier que derrière il y a de l’humain », a-t-elle ajouté, reconnaissant sans autres détails que « nombre d’infractions méritent d’être discutées ». « L214 et l’avocat des salariés unissent leurs voix pour dire que les employés sont aussi des victimes. La stratégie est claire : faire peser sur les seules institutions et direction toute la responsabilité de ce qui procède d’agissements de violence individuelle », selon Mme Pombieilh.

« La défense des salariés en s’emparant de la cause animale tente de dresser un écran de fumée sur ce qui relève de la volonté unilatérale de ses clients. L’audience permettra de faire la clarté et d’identifier les responsabilités. »

« Rendre visible un système violent »

Onze associations de défense des animaux se sont portées parties civiles, dont L214, la SPA et la Fondation Brigitte Bardot. Durant l’audience, des passages de la vidéo de L214 d’une durée totale de deux heures et demie seront diffusés. Ces images ont été tournées par L214 en mars 2016 à Mauléon, environ deux semaines avant Pâques, période d’activité intense dans les abattoirs. « Elles ont été captées et diffusées pour rendre visible un système violent qui met à mort trois millions d’animaux par jour en France », affirme Brigitte Gothière, porte-parole de L214.

Animaux mal étourdis, moutons saignés encore conscients, voire des agneaux écartelés vivants, les images sont difficilement soutenables. « Elles montrent que la réglementation dans les abattoirs ne sert qu’à rassurer les consommateurs. Elle n’y est même pas appliquée (…) Ce procès sera l’occasion de faire reconnaître la responsabilité de l’Etat et des services vétérinaires », estime Mme Gothière.

L’association L214, qui milite pour la protection des animaux mais aussi pour l’abolition de la consommation de viande et de tout usage de substance d’origine animale, s’est déjà illustrée en révélant des faits similaires dans les abattoirs d’Alès et du Vigan (Gard). Un ex-employé de l’abattoir du Vigan a d’ailleurs été condamné en avril 2017 à huit mois de prison avec sursis pour actes de cruauté et mauvais traitement sur des animaux.