L’entraîneur du PSG, Thomas Tuchel, dimanche 17 septembre. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

Qu’il paraît loin le temps où le journal l’Equipe faisait sa « Une » avec un montage photographique représentant les joueurs du Paris-Saint-Germain en train de soulever la Coupe aux grandes oreilles. « Pourquoi le rêve est permis », titrait, en septembre 2014, le quotidien sportif, avant l’entrée en lice de Zlatan Ibrahimovic et consorts en Ligue des champions. Quatre ans ont passé et l’heure n’est plus au triomphalisme. Les déconvenues de la formation de la capitale, éliminée en huitièmes de finale de l’épreuve ces deux dernières saisons, ont poussé ses dirigeants à se montrer plus prudents dans leur communication.

Avant le début de la campagne européenne du PSG, mardi 19 septembre, sur la mythique pelouse d’Anfield Road, à Liverpool, l’état-major du club fait profil bas. « C’est le groupe le plus difficile de notre histoire en Ligue des champions », a confié le Qatari Nasser Al-Khelaîfi, président du club, fin août, après le tirage au sort. Dans la poule du PSG figurent les « Reds, » finalistes malheureux (3-1) en 2017 contre le Real Madrid, les Italiens de Naples, entraînés par son ancien coach (2012-2013), Carlo Ancelotti, et, à un degré moindre, l’Etoile rouge de Belgrade.

Affecté par la folle « remontada » du FC Barcelone ( victoire 6-1, après une défaite 4-0 au match aller), en mars 2017, et l’échec (1-3, 1-2) de la saison passée face au Real de Zidane, Nasser Al-Khelaïfi se garde bien de fixer un objectif précis. « On apprend de nos erreurs. La Ligue des champions est une compétition difficile où beaucoup de facteurs entrent en jeu, assurait-il, en mai, à l’Equipe. Notre objectif ? Faire notre maximum, mais ça dépendra de beaucoup de facteurs. On espère aller le plus loin possible mais je ne veux pas dire quarts, demi-finales ou finale. »

Ambitions mises en sourdine

Conscient des difficultés qu’éprouvent ses joueurs à perforer le plafond de verre qui circonscrit leurs visées continentales, le patron du PSG a mis en sourdine ses hautes ambitions. En 2013, ne criait-il pas sur tous les toits que les actionnaires du fonds Qatar sports Investments (QSI), propriétaire du club depuis 2011, s’étaient donnés cinq années « pour faire partie du top niveau européen et pour gagner la Ligue des champions »?

« L’objectif a été obsessionnellement affiché : la victoire en Ligue des champions met beaucoup plus de temps à arriver. L’idée était de bâtir et d’installer un club durablement parmi le cénacle des grands clubs européens, décrypte un familier du PSG. Le discours change quand on se fait éliminer en 8èmes de finale. Il y a une forme d’apprentissage. Le PSG a un peu trop affirmé vouloir gagner le tournoi. QSI a trop communiqué. En répétant cet objectif, il a marqué un but contre son camp. Il y a une prudence sémantique. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de rappeler l’objectif, comme au Bayern Munich  : c’est normal d’ambitionner de gagner le tournoi. »

Le recrutement au printemps de l’entraîneur allemand Thomas Tuchel, réputé pour sa philosophie de jeu spectaculaire et sa capacité à s’adapter au schéma tactique de l’adversaire, représente un virage. Le technicien de 45 ans est censé apporter une forme de maturité au PSG sur l’échiquier continental. Et peu importe si l’intéressé, passé sur le banc du Borussia Dortmund (2015-2017), n’a jamais emmené ses joueurs au-delà d’un quart de finale de Coupe d’Europe.

« Avoir une culture qui rend les joueurs plus grands »

Le nouveau coach parisien prône la patience et entend changer l’état d’esprit de son effectif. Il prend notamment comme modèle le Real Madrid. « Tellement de choses peuvent arriver. La Ligue des champions est plus une compétition de générations, a-t-il déclaré à l’Equipe, lundi. Pour gagner la Ligue des champions, c’est important d’avoir une culture qui rend les joueurs plus grands. Le Real Madrid ( treize fois vainqueur du tournoi et triple tenant du titre) a une génération qui sait comment gagner les grands matchs, comment résister à la pression. »

Ce discours se rapproche de celui tenu par son lointain prédécesseur Laurent Blanc. « C’est vous, les médias, qui vous emballez, martenait le Cévenol au Monde, en mars 2014. Les dirigeants ont été très clairs et sont venus à Paris avec un projet ambitieux. Ils veulent remporter un jour cette Ligue des champions. Quand ? Vous ne pouvez pas fixer une date ou une saison précise. Les dirigeants savent que c’est très difficile de remporter cette compétition. On met parfois beaucoup de temps pour la gagner. Je pense notamment à Chelsea [titré en 2012]. »

« Le Chelsea du Russe Roman Abramovitch a mis neuf ans pour la gagner, observe un connaisseur du PSG. Avec l’argent, on s’achète du temps. Mais ce n’est pas aussi simple. QSI est un actionnaire pressé. Le foot n’est pas un objectif mais un moyen pour renforcer la crédibilité de l’Etat du Qatar, pour attirer les plus grands sponsors internationaux, figurer parmi les dix plus grandes marques mondiales. QSI est constant. Il y a de la ténacité même si on peut déplorer une forme de lenteur en termes de réussite. Mais l’élimination en 8es n’est pas considérée comme l’échec du projet. Il y a des critères durables comme la hausse du chiffre d’affaires, l’audience. Le club est très viable. »

Logique d’expansion à l’international

Le discours change mais les ambitions restent . Cet été, le PSG a été contraint de « dégraisser » ses effectifs pour respecter le fair-play financier, ce mécanisme introduit en 2011 par l’Union des associations européennes de football (UEFA) en vertu duquel les clubs ne doivent pas dépenser davantage qu’ils ne gagnent. Sanctionnés en 2014, les dirigeants parisiens connaîtront dans quelques jours le verdict de la chambre de jugement de l’Instance de contrôle financier, qui a réexaminé leur cas.

Après avoir déboursé plus de 400 millions d’euros à l’été 2017 pour s’offrir le Brésilien Neymar et le prodige français Kylian Mbappé, le PSG a été nettement moins dépensier lors du dernier marché des transferts. Il a vendu à tour de bras (l’Espagnol Yuri Berchiche, le Portugais Gonçalo Guedes et l’Argentin Javier Pastore) et encaissé autour de 100 millions d’euros.

Surtout, il s’apprête à gonfler ses recettes et poursuit son expansion à l’international sur le plan marketing. En attestent le recrutement cet été du légendaire gardien italien Gianluigi Buffon, 40 ans, la signature d’un contrat pour trois saisons avec la marque Jordan Brand, filiale de Nike, et l’ouverture d’une boutique PSG à Tokyo, la première d’un club de football européen au Japon.

« Le projet prime sur le sportif, analyse un proche du club parisien. Mais rien n’a changé en ce qui concerne les objectifs même s’il manque encore une case à cocher  : la Ligue des champions, avec tous les aléas sportifs. Mais quand l’équipe gagnera le tournoi, le club sera prêt à rajouter un autre étage à la fusée. » Au PSG, on prépare l’avenir, tout en s’armant de patience.