Les journalistes du Monde François Béguin et Camille Stromboni ont répondu aux questions d’internautes sur les annonces faites par le chef de l’Etat sur la réforme du système de santé, mardi 18 septembre. Emmanuel Macron a notamment confirmé la suppression du numerus clausus pour les étudiants en faculté de médecine.

Un économiste qui a raté : Pourquoi supprimer le numerus clausus seulement en 2022, étant donné l’urgence ?

La suppression du numerus clausus et la mise en place d’un dispositif alternatif de formation et de sélection menant aux professions de santé nécessitent d’en passer par la loi. Celle-ci est promise pour le début de l’année 2019 et pourra s’appliquer vraisemblablement à compter de la rentrée 2020. De nombreuses questions restent à trancher et nécessitent plusieurs mois de concertation (celle-ci s’ouvre dès demain) : quelles licences permettront d’aller vers les professions de santé ? A quel niveau ? Quelles procédures sélectives mettront en place les universités ? Quelle part sera définie au niveau national, quelle part relèvera de la liberté de chaque faculté ? Quelles formations seront accessibles en master pour se réorienter ? Bref, cela nécessite un certain temps.

Une terminale S : Si je veux rentrer en première année de médecine à la rentrée prochaine, qu’est-ce qui change concrètement pour moi ? Dois-je faire une année sabbatique ?

Pour la prochaine rentrée, a priori, il semble probable que le système actuel demeure en grande partie le même. La Paces (première année d’études commune aux études de santé) a cependant déjà évolué, avec différents fonctionnements. Plusieurs universités expérimentent par exemple la suppression du redoublement pour les étudiants qui ont fait leur rentrée en septembre 2018 (Sorbonne Université, Paris-Descartes, Paris-Diderot, Brest), suivant ainsi le modèle précurseur développé à Angers.

Une deuxième chance de décrocher une place aux concours doit être offerte en deuxième année d’études. D’autres pourraient rejoindre ce modèle. Le mieux est de se renseigner auprès des différents établissements où vous souhaitez étudier.

Vortigern : Le numerus clausus sera abandonné, mais quid du concours d’entrée ?

Le concours d’entrée, dans sa version actuelle, à l’issue de la Paces, est voué à disparaître. Mais cela ne signifie pas que la sélection sera absente du recrutement des futurs étudiants en médecine, odontologie, pharmacie, maïeutique. « Le système restera sélectif, a assuré l’Elysée, il n’est pas question de rogner sur l’excellence de la formation. »

Le détail des futures procédures de sélection, qui devraient pouvoir se déployer à l’issue de la première, deuxième ou troisième année d’études, réalisée dans une nouvelle licence de santé ou dans des licences universitaires d’autres disciplines, reste à définir. Ce sera l’objet de la concertation qui s’ouvre dès demain avec les facultés et les acteurs de la santé.

L’offre de licences menant aux professions de santé, de même que la procédure sélective, seront désormais en partie définies par chaque université.

Alexendra : Les capacités maximales de formation semblant déjà atteintes, n’y aura-t-il pas un numerus clausus déguisé sélectionnant sur les trois premières années et non plus sur une seule ?

Cela peut donner ce sentiment, si l’on imagine que la fin du numerus clausus signifie fin de toute sélection, ce qui, en effet, ne sera pas le cas. L’accès aux études menant aux professions médicales restera sélectif, mais d’une autre manière. Potentiellement à différents niveaux d’études, et avec des procédures de sélection diverses.

En effet, les capacités maximales de formation des facultés de médecine – et aussi le nombre limité de terrains de stages, à l’hôpital ou chez les médecins libéraux – limiteront, de facto, le nombre de places offertes, demain comme aujourd’hui. Néanmoins, le mot d’ordre général est celui d’une augmentation – dans des proportions limitées, très probablement – du nombre de professionnels de santé formés, dans les années qui viennent.

Sylvie : Personne ne va s’inscrire en 2019 en médecine et attendre la réforme ? Qu’en pensez-vous ?

Certes, le comportement des futurs candidats aux professions de santé est imprévisible, avec sa part de stratégie – et on le comprend, étant donné la sélectivité du concours, et les métiers qui font souvent figure de vocation. Mais difficile de croire qu’une génération va s’autocensurer et attendre 2020 pour s’inscrire en médecine… Cela arrivera peut-être à la marge, comme pour chaque évolution des modalités d’entrée en santé, toujours sources d’inquiétudes.

Olliebp : Avec la suppression de la Paces, va-t-on vers une licence santé à l’issue de laquelle les étudiants s’orienteraient vers médecine, dentaire, pharmacie, maïeutique ou paramédical ? Dans ce cas, il va falloir revoir toutes les maquettes de ces filières…

Oui, en effet, toutes les maquettes de plusieurs licences pourraient être revues. Avec des voies d’entrée en médecine-pharmacie-maïeutique-odonto à l’issue des différentes années d’études, et des formations de master vers lesquelles s’orienter pour ceux qui ne seraient pas sélectionnés.

Elève de terminale : Je comptais faire une prépa Paces après le bac pour ensuite entrer en faculté de médecine en 2020. En vue de la suppression du numerus clausus, une telle prépa serait-elle utile ?

Difficile de répondre à cette question, qui relève d’un choix personnel. Mais, si vous savez déjà ce que vous voulez faire, autant se lancer tout de suite, nul ne sait si le nouveau système vous conviendra mieux que l’actuel. Ni si l’année de transition vers ce nouveau modèle sera de tout repos. Surtout : vous pouvez d’ores et déjà aller vers des universités qui expérimentent des voies alternatives pour rejoindre les études de médecine, après une deuxième ou une troisième année d’études.

LeCarabinFutur : Médecin spécialiste dans une grande ville de province, je voudrais m’installer dans les années à venir. Serai-je obligé de le faire dans un cabinet collectif ou dans un centre de soins ? Ou bien pourrais-je encore avoir mon propre cabinet ?

Il n’y aura pas d’obligation formelle de s’installer en cabinet de groupe, mais les incitations financières à le faire devraient être très fortes. Les rémunérations additionnelles versées par l’Assurance-maladie, comme la rémunération sur objectifs de santé publique, pourraient par exemple à terme être indexées – voire conditionnées – à l’appartenance à un cabinet de groupe, ou au minimum à une communauté professionnelle territoriale de santé.

Trollanfer : Combien va coûter mensuellement un assistant médical à la Sécu, donc à la collectivité ?

Le coût moyen annuel – charges comprises – d’un tel assistant est évalué à 50 000 euros. L’Assurance-maladie devrait en financer une grande part sous réserve que les médecins respectent les conditions d’éligibilité (exercer en cabinet de groupe, s’engager à prendre davantage de patients).

Anco : Quid des Ehpad et de la condition déplorable pour nos personnes âgées ?

Les Ehpad feront l’objet d’un texte ultérieur. Des concertations sur la dépendance doivent s’ouvrir prochainement et un texte est attendu pour 2019.

B… une hospitalière… : M. Macron a-t-il annoncé des mesures pour les conditions de travail des hospitaliers ? A-t-il aussi parlé des fermetures de lits et des fusions de services ?

Emmanuel Macron fait d’abord le pari que la diminution de la part de la tarification à l’activité dans le financement des hôpitaux conduira à terme à redonner du sens aux métiers de soignants. Il annonce par ailleurs plusieurs mesures permettant de repenser le fonctionnement de l’hôpital au quotidien, comme le retour à une organisation en service pour une équipe de soins. Il promeut également des dispositifs d’intéressement collectif lié à l’amélioration de la qualité d’un service, sans que l’on sache pour l’instant comment cela se traduira dans les hôpitaux. Le chef de l’Etat a par ailleurs annoncé que des petits services seraient amenés à fermer, pour des raisons de qualité et de sécurité des soins.

Bdt : Est-il question d’un numéro d’appel national dédié aux soins non programmés, ou d’une généralisation du 15 ?

La question est encore en suspens. La ministre de la santé s’est engagée à prendre une décision d’ici la fin de l’année.