Les amateurs de football peuvent souffler. Dribbler, tacler, plonger sur un terrain synthétique représente « un risque peu préoccupant pour la santé ». C’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui l’écrit dans une note publiée mardi 18 septembre.

L’Anses avait été saisie le 21 février 2018 par plusieurs ministères (sports, santé, transition écologique…) afin d’évaluer les risques liés à l’utilisation croissante de granulats de pneus usagés dans les terrains de sport synthétiques. Ces petites billes noires de caoutchouc qui s’immiscent dans les chaussures et les chaussettes contiennent en effet plusieurs substances chimiques potentiellement dangereuses comme les hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAP), classés cancérogènes probables pour l’homme.

Selon un inventaire dressé par le ministère des sports, le nombre de terrains synthétiques de « grande dimension » était estimé à environ 3 000 en France, au début de l’année. Et les terrains de foot à 5 poussent comme des champignons dans les grandes agglomérations. Plusieurs municipalités (Paris, Nantes, Poitiers…) avaient fait part de leur inquiétude après la publication d’une enquête du magasine spécialisé So Foot en décembre 2017.

Leucémies et lymphomes

L’alerte a été lancée il y a quelques années aux Etats-Unis par l’ancienne championne du monde de football, Amy Griffin. L’actuelle coach de l’équipe féminine de l’université de Seattle a découvert que plusieurs de ses anciennes joueuses, notamment évoluant au poste de gardien de but, souffraient de leucémies et de lymphomes. La liste comporte aujourd’hui quelque 200 joueurs et joueuses de football malades à travers le pays et pratiquant tous leur discipline sur des pelouses synthétiques.

Les analyses épidémiologiques existantes ne mettent pas en évidence d’augmentation du risque cancérogène, en particulier des lymphomes et leucémies, associée à la fréquentation d’un terrain synthétique, estime l’Anses. Le rapport précise que si des substances cancérogènes sont bien émises ou relarguées par les granulats de pneus, elles le sont à de « faibles concentrations ». Cela n’empêche pas l’Agence de préconiser la réduction de la teneur en HAP, jugés comme des « composés préoccupants », dans les billes de caoutchouc. Une proposition en cours d’instruction dans le cadre du règlement européen Reach sur les substances chimiques.

Pour parvenir à ces conclusions rassurantes, l’Anses s’est seulement fondée sur une revue des études et expertises (une cinquantaine) publiées au niveau international. Aussi, l’Agence reconnaît des « incertitudes » liées à la fois à des « limites méthodologiques » et à un « manque de données ». Lesdites études ne prennent pas en compte la variabilité de la composition des terrains. « Des incertitudes demeurent quant aux risques sanitaires potentiels associés à ces matériaux, en particulier en lien avec les émissions de composés organiques volatils [COV] », notent les experts. L’agence recommande ainsi de procéder à des analyses plus larges des polluants contenus et émis par les granulats de pneus, à commencer par les poussières. Outre les HAP et les COV, de nombreuses familles de substances potentiellement dangereuses ont été mis en évidence dans les petites billes noires : phtalates, métaux (plomb, zinc, cuivre, cadmium, nickel…), polychlorobiphényles (PCB) ou encore dioxines…

« Des risques potentiels pour l’environnement »

L’Anses appelle donc à mener de nouvelles recherches, principalement dans deux directions où les données font particulièrement défaut : l’air intérieur des bâtiments (toujours plus nombreux) qui abritent des complexes sportifs et les aires de jeu pour enfants où sont aussi utilisés les granulats de pneumatiques recyclés pour le revêtement des sols. Cette note, insiste l’Anses, « ne constitue pas une évaluation des risques et ne porte donc pas de conclusions de l’agence sur l’existence ou l’absence de risques ». Elle appelle donc d’autres rapports.

D’autant que si l’Anses conclut que « les études disponibles ne mettent pas en évidence de risque pour la santé », elle précise, en revanche, qu’« elles évoquent des risques potentiels pour l’environnement ». Ainsi plusieurs publications scientifiques, notamment de l’Agence européenne des produits chimiques, mentionnent des risques liés au transfert de substances chimiques (zinc ou certains phtalates et phénols ayant des propriétés de perturbation endocrinienne) dans les milieux via les sols et les systèmes de drainage des eaux de pluie. L’utilisation de granulats peut également conduire à la génération de microplastiques, donner lieu à des phénomènes de bioaccumulation et potentiellement affecter les organismes aquatiques ou terrestres.

Au final, l’Anses recommande l’élaboration d’une méthodologie afin de pouvoir évaluer les risques environnementaux localement avant toute mise en place de terrains synthétiques.