Une nouvelle fois, Mayotte défraie la chronique de la Cour des comptes. Dans un référé rendu public, jeudi 20 septembre, les magistrats financiers s’étonnent du montant anormalement élevé de suppléments familiaux de traitement (SFT) – compléments perçus par les agents de la fonction publique en sus des prestations familiales – distribués dans ce département de l’océan Indien. Certes, le taux de natalité soutenu est un facteur non négligeable. Mais insuffisant, aux yeux de la Cour, pour expliquer que les collectivités et établissements mahorais perçoivent 19 % des montants redistribués par le fonds national de compensation géré par la Caisse des dépôts et consignations, alors qu’ils ne représentent que 0,2 % des structures bénéficiaires.

A eux seuls, le département de Mayotte, les communes de Mamoudzou et de Koungou, le Syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets et le service départemental d’incendie et de secours concentrent 71 % des sommes versées. Les contrôles diligentés sur ces structures mettent en évidence « des pratiques contestables ». Sur l’ensemble des situations individuelles vérifiées, « 90 % d’entre elles apparaissent entachées d’irrégularités », faute de justificatifs ou du fait de déclarations contradictoires.

« Gestion désordonnée »

Ainsi, énumère la Cour, des agents perçoivent du SFT alors qu’ils ne bénéficient pas des prestations familiales. Des versements sont effectués pour un nombre d’enfants supérieur à celui déclaré, pour des enfants dont l’âge excède la limite de 16 ans ou au bénéfice d’un parent divorcé n’exerçant pas la charge parentale… Selon la Cour, « la gestion désordonnée des effectifs et l’absence de contrôle (…) concourent à l’augmentation du nombre de bénéficiaires de cette indemnité ». Les indus représentent ainsi entre 25 % et 75 % des sommes reversées selon les collectivités contrôlées.

Or, non seulement le SFT représente un complément immédiat pour les agents concernés, mais il entre dans l’assiette de calcul pour la retraite additionnelle de la fonction publique et peut également permettre à certains agents l’ayant perçu à tort de remplir la condition d’avoir élevé trois enfants ou plus ouvrant droit à la majoration de leur pension de retraite. Il peut même avoir une incidence sur l’imposition du revenu au titre du quotient familial.

Aussi la Cour des comptes a-t-elle saisi le premier ministre pour « endiguer des pratiques irrégulières et potentiellement de grande ampleur qui pèsent sur l’emploi du fonds national de compensation ainsi que sur les effets induits notamment sur le plan fiscal et sur la majoration de pension de retraite ». Un exemple supplémentaire, s’il en fallait, de la pagaille qui règne dans ce département où, comme le reconnaissent les autorités de l’Etat, rien n’est normal. Même la natalité.