« Nos chers espions en Afrique », d’Antoine Glaser et Thomas Hofnung, Fayard, 240 pages, 19 euros.

Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, reçoit Bernard Emié, directeur du service de renseignement extérieur français, la DGSE, au Caire le 22 janvier 2018. / HANDOUT / AFP

Les ex-puissances coloniales adorent se convaincre qu’elles pèsent encore sur leur ancien empire. La France n’y échappe pas. C’est la principale leçon de Nos chers espions en Afrique, un petit livre, vif et éclairant, sur l’activité des renseignements français sur le continent. Coécrit par un journaliste expérimenté, Antoine Glaser, qui observe depuis longtemps la Françafrique, et son confrère Thomas Hofnung (chroniqueur du Monde Afrique) dont l’intérêt pour le continent africain a croisé celui pour les questions de défense, cet ouvrage brosse avec prudence le portrait d’un monde qui n’aime guère la lumière.

S’il ne manque pas d’évoquer le rôle fondateur de Jacques Foccart, l’homme de l’ombre du général de Gaulle, dans la création de cette fameuse Françafrique qui a structuré les relations entre ce continent et la France, le livre n’a pas l’ambition de brosser l’histoire des relations secrètes entre Paris et ses anciennes colonies, ce qui pourra décevoir certains lecteurs. Le travail des deux auteurs tend plutôt à livrer la photographie la plus contemporaine de l’action clandestine de la France en Afrique.

Journalistiquement, ce défi rend la tâche plus ardue mais pas moins intéressante. Appuyé essentiellement sur des sources humaines, le résultat ne recèle pas de scoop majeur ; il a cependant le mérite de démystifier le rôle de la France, qui aime encore être considérée sur la scène internationale comme le gendarme incontesté de l’Afrique francophone.

Rivalités franco-françaises

L’ouvrage montre comment les chefs d’Etat africains se sont peu à peu autonomisés de la tutelle de Paris. D’une part, nombre d’entre eux, transformés en potentats locaux, au Congo, en Centrafrique ou au Gabon, se jouent de l’inexpérience des chefs de gouvernement français qui défilent dans leurs capitales. D’autre part, ils savent comme personne tirer profit des rivalités franco-françaises pour conforter leur propre position, grâce à leur fine connaissance de ces jeux de pouvoir.

Il faut dire, et le livre l’expose clairement, que les Français leur facilitent bien les choses. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, le service de renseignement extérieur) n’est pas seule à porter les intérêts de Paris sur le continent. Le renseignement intérieur ou la direction du renseignement militaire (DRM) tentent d’y étendre leurs propres réseaux. Les Corses, qui peuvent s’appuyer sur des liens souvent personnels avec les chefs d’Etat africains, y ont également établi de solides bastions, notamment dans les affaires pétrolières, les secteurs du jeu et du BTP. Enfin, les diplomates veulent aussi faire entendre une voix concurrente à celle de la DGSE.

On pourra reprocher aux auteurs d’avoir voulu embrasser trop d’affaires dont chacune aurait valu un livre entier, mais sans doute faut-il lire cet ouvrage comme une invitation à aller plus loin pour lever le voile sur une complexité africaine relativement absente. En définitive, enquêter sur les espions français en Afrique donne plus à apprendre sur la France que sur l’Afrique.

Cinq choses à savoir sur les espions en Afrique
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