De gauche à droite, le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, le secrétaire au commerce Wilbur Ross, le représentant pour le commerce Robert Lighthizer et le conseiller pour le commerce Peter Navarro. / MANDEL NGAN / AFP

Au printemps, les Chinois n’en sont pas revenus. Pas plus que les Européens, emmenés par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, cet été : les équipes commerciales de Donald Trump se querellent et s’envoient des noms d’oiseaux devant leurs hôtes et le président. Deux camps s’affrontent : d’un côté, les « nationalistes » protectionnistes – le conseiller pour le commerce Peter Navarro et le représentant pour le commerce Robert Lighthizer – ; de l’autre, les « globalistes », républicains traditionnels influencés par Wall Street et partisans du libre-échange – le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, celui au commerce Wilbur Ross et le conseiller économique Larry Kudlow.

M. Trump laisse faire, pris au piège de ses propres contradictions : « Eh bien, je suis un nationaliste et je suis un “globaliste”. Je suis les deux », avait expliqué le locataire de la Maison Blanche au Wall Street Journal, en avril 2017. Le point de jonction ? Prétendre que les partenaires des Etats-Unis ne jouent pas le jeu du libre-échange et s’alarmer de la volonté de puissance de la Chine.

Peter Navarro, l’idéologue antichinois. Cet ancien professeur de l’Université de Californie à Irvine a connu la célébrité avec deux ouvrages, en 2006 et en 2011, mettant en garde contre la Chine. Sa vision du conflit avec Pékin n’est pas commerciale, mais géostratégique et civilisationnelle : M. Navarro veut combattre une Chine qui conteste la suprématie américaine. Il avait rejoint très tôt l’équipe de campagne de Donald Trump, mais avait été marginalisé au fil des mois. Privé d’accès direct au président, M. Navarro, 69 ans, contourne alors ce blocage en s’invitant sur les plateaux de télévision que M. Trump regarde régulièrement. Cette stratégie porte ses fruits. Le président fait savoir qu’il apprécie la manière dont cet habile parleur s’exprime. M. Navarro profite de la démission du conseiller économique Gary Cohn, en mars 2018, lors des prémices de la guerre commerciale, pour monter en puissance. Il s’oppose frontalement au secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, qu’il traite régulièrement de « Neville Chamberlain », en référence au premier ministre britannique qui, avec la France, passa sous les fourches caudines d’Adolf Hitler à Munich, en septembre 1938.

Steven Mnuchin, le partisan du compromis. Le silence serait, selon la presse, la manière pour cet ancien banquier de Goldman Sachs, devenu producteur de cinéma, âgé de 55 ans, de marquer son mécontentement envers Donald Trump. Lors d’un voyage à Pékin, en mai 2018, il tente de nouer une relation personnelle avec le négociateur chinois Liu He, qu’il décide de rencontrer seul. L’affaire donne lieu à une altercation mémorable avec M. Navarro à la maison des hôtes d’Etat. M. Mnuchin remporte provisoirement la partie, annonçant que les Chinois vont réduire le déficit commercial et la « suspension » de la guerre avec l’ex-empire du Milieu. Las ! M. Navarro explique que M. Mnuchin a été mal compris et Robert Lighthizer, le représentant pour le commerce, fait savoir que les Etats-Unis sont prêts à utiliser « tous les moyens pour protéger leur technologie par les droits de douane ». Quelques jours plus tard, les premières sanctions sont décrétées.

Robert Lighthizer, l’adepte de la manière forte. A 70 ans, Robert Lighthizer apparaît comme le grand gagnant de la bataille qui se joue actuellement. Parce qu’il est le seul à maîtriser les dossiers, il est respecté par les « globalistes », mais aussi par les nationalistes, dont il partage les idées. Opposant de toujours à l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) actée en 2001, il estime que les administrations américaines successives se sont fait berner par Pékin. En conséquence, il prône la manière forte pour l’amener à changer d’attitude sur les transferts de technologie et les subventions indues à son économie.

La formation idéologique de cet homme remonte, comme celle Donald Trump, au premier mandat de Ronald Reagan (1981-1985). A l’époque, l’ennemi désigné était le Japon. Adjoint du représentant au commerce, il obtint des accords d’autolimitation des exportations automobiles et la protection, par le biais de droits de douane, des motos Harley Davidson. Devenu avocat, il défendit pendant des années les producteurs d’acier américains. L’occasion de se confronter à l’OMC, dont les règles sont, pour lui, dévoyées au profit de la Chine. Un credo particulièrement compatible avec celui de M. Trump. Dès l’automne 2017, Robert Lighthizer avait exposé à des patrons américains médusés qu’il comprenait leur objectif de maximiser leurs profits. « Mon boulot est différent. Mon boulot consiste à représenter les travailleurs américains. Et là, nous n’allons pas être d’accord », avait-il déclaré, selon le Wall Street Journal.

Wilbur Ross, le grand perdant. A 80 ans, cet homme d’affaires, dont la fortune s’élève à 700 millions de dollars (près de 600 millions d’euros), est le plus vieux ministre jamais désigné aux Etats-Unis. Au début du mandat de M. Trump, M. Ross travaillait sur la négociation commerciale avec la Chine, avant d’être dessaisi du dossier à l’été 2017 en raison de sa trop grande mollesse. Cet hiver, il a longuement négocié avec les Européens pour éviter les taxes sur l’acier, en pure perte.

Larry Kudlow, l’opposant aux guerres commerciales. Quand Donald Trump l’appelle, cet économiste reconverti en commentateur de télévision pense qu’il va se faire sermonner du fait de ses propos critiques à propos des barrières douanières. Il s’agit en fait de le nommer économiste à la Maison Blanche, après le départ de Gary Cohn. Comme Robert Lighthizer, Larry Kudlow, 71 ans, est un ancien membre des équipes Reagan, mais version libérale. En juillet, il a donné un sérieux coup de main aux Européens pour suspendre la menace des droits de douane sur les automobiles. Il est opposé aux guerres commerciales, mais, comme il l’a résumé en juin : « La personne chargée du commerce est, sans équivoque, le président Trump ».